La contestation aura eu raison de «Bibi» Netanyahou, qui a finalement consenti à reporter à juillet sa réforme contestée de la justice. Dans la nuit de dimanche à lundi, des milliers de personnes étaient descendues dans les rues de Tel-Aviv pour protester contre le renvoi par le premier ministre Benyamin Netanyahou de son ministre de la Défense, Yoav Gallant. Celui-ci s’était prononcé en faveur de la suspension du projet de réforme de la justice engagée par le gouvernement, qui suscite de vives oppositions. Benyamin Netanyahou a fini par céder.
Aux racines de ce mouvement de protestation, la réforme de la justice voulue par le gouvernement de droite radicale. Le texte visait à soumettre le pouvoir judiciaire au pouvoir politique et législatif. En Israël, pays de tradition juridique anglo-saxonne, il n’existe pas de Constitution écrite : la Cour suprême est seule gardienne des lois fondamentales. Elle cumule en quelque sorte les compétences du Conseil d’État, de la cour de Cassation et du Conseil constitutionnel français. Ainsi, elle est fondée à censurer les lois votées par le Parlement. Des prérogatives pointées du doigt par le Likoud et ses alliés ultraorthodoxes juifs au pouvoir, qui dénoncent le «gouvernement des juges» et accusent les magistrats d’activisme politique.
Si la réforme était définitivement adoptée malgré la suspension, les députés pourraient imposer une loi qu’ils auront votée, même en cas de censure par la Cour. Pour cela, il suffira d’un vote à la majorité absolue de 61 députés, sur les 120 que compte la Knesset (Parlement israélien). Par ailleurs, le ministre de la Justice Yariv Levin proposait de placer le comité de nomination des juges sous le contrôle de politiques. En effet, sur les neuf membres qui composent cette très influente institution, six seraient désormais des ministres ou des députés, contre seulement trois magistrats.
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Ce lundi matin, la loi modifiant le processus de nomination des juges a été adoptée en commission. Un «coup d’État», selon les opposants, qui considèrent que la réforme, en soumettant le principal contre-pouvoir aux élus, menace l’équilibre démocratique. Pendant près de trois mois, des manifestations ont régulièrement rassemblé jusqu’à plusieurs centaines de milliers de personnes dans tout le pays. Une mobilisation majeure pour un pays qui compte moins de dix millions d’habitants. Alors que les protestations s’étaient globalement déroulées dans le calme, des heurts entre police et manifestants ont éclaté à Tel-Aviv, poussant le président Isaac Herzog à demander au gouvernement de «stopper immédiatement» la réforme. «J’appelle le premier ministre à annuler le limogeage de Yoav Gallant. L’État d’Israël ne peut pas en ce moment, face aux menaces sur tous les fronts, s’autoriser un changement de ministre de la Défense», a de son côté déclaré le chef de l’opposition, Yaïr Lapid. Les opposants ont finalement eu gain de cause.
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Au-delà de la grogne populaire, les troubles suscités par la réforme sont aussi économiques. Le taux de change du shekel baisse sans discontinuer depuis janvier, faisant craindre une fuite des capitaux. La plus grosse centrale syndicale israélienne, qui avait annoncé lundi «une grève générale» immédiate, est revenue sur sa décision après que Netanyahou a annoncé l’arrêt temporaire de la réforme.
Le projet suscite même des secousses diplomatiques, notamment du côté des États-Unis. Opposé à la réforme, Joe Biden refuse obstinément de recevoir Netanyahou. Par l’intermédiaire de la porte-parole du Conseil de sécurité nationale de la Maison-Blanche, Adrienne Watson, il a souligné «la nécessité urgente d’un compromis». «Les valeurs démocratiques ont toujours été, et doivent rester, une caractéristique des relations entre les États-Unis et Israël», a-t-elle averti dimanche. Malgré l’annonce d’une «pause» du processus législatif, les manifestants ne comptent pas relâcher la pression et comptent se réunir, ce soir encore, dans les rues de Tel-Aviv. Jusqu’à ce que le projet soit définitivement abandonné.