Les termes de l’accord, annoncé dans la nuit de mercredi, pour la libération de certains otages israéliens retenus à Gazasont peu à peu dévoilés. Selon les conditions patiemment négociées entre Israël et le Hamas, sous la houlette des États-Unis et du Qatar, où se sont tenus les pourparlers, elles interviendront dans le cadre d’une «trêve humanitaire» de quatre jours.
Cette «pause opérationnelle», comme préfère l’appeler l’armée israélienne, doit commencer dès jeudi à 10 heures, heure locale, mais l’arrêt réel des hostilités pourrait prendre «un certain temps» à être concrètement appliqué, a prévenu le porte-parole du ministère qatarien des Affaires étrangères, Majed al-Ansari. Selon Israël, les libérations vont prendre la forme d’un échange. Cinquante Israéliens seront rendus contre 150 prisonniers palestiniens incarcérés en Israël, un ratio de 1 pour 3. Les échanges doivent se faire peu à peu durant les quatre jours de trêve, avec au minimum 10 otages relâchés par jour. Ces libérations devraient débuter «dès jeudi», selon une source israélienne. La procédure exacte n’a pas été dévoilée, mais selon le Hamas, «la Croix-Rouge et les Nations unies joueront un rôle».
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Cet accord est censé être reconduit, selon les mêmes modalités, dans les jours prochains pour permettre d’autres libérations. Le gouvernement israélien a d’ailleurs déjà diffusé une liste de 150 prisonniers libérables, des femmes (33), des mineurs (123) ainsi que de très jeunes majeurs qui, selon les autorités, «n’ont pas de sang sur les mains». Le Hamas n’a, lui, donné officiellement aucune précision sur l’identité des otages sur le point d’être libérés. Il s’agirait exclusivement de femmes et d’enfants, nombreux parmi les quelque 240 personnes que retiennent les islamistes palestiniens, tous Israéliens ou binationaux. Selon le Qatar, l’accord n’inclut pas de militaires. Les États-Unis ont dit espérer le retour de trois compatriotes, dont une enfant de trois ans. Paris, de son côté, ne semble pas à même de confirmer ou non la libération de Français. Antony Blinken s’est félicité, soulignant que l’accord est le fruit «d’efforts immenses du gouvernement américains». Le président palestinien, Mahmoud Abbas, comme son homologue égyptien, Abdel Fattah al-Sissi, ont également salué ce «deal», qui arrive après plus de six semaines d’une guerre meurtrière.
La trêve ne se limite pas aux remises en liberté. Elle s’accompagne d’un important volet humanitaire alors que la bande de Gaza, qui vit sous d’intenses et destructeurs bombardements de l’armée israélienne depuis le 7 octobre, traverse une crise aiguë. La population manque de tout, eau, nourriture, médicaments, électricité… «Au moins 200 à 300 camions entreront, dont huit camions de carburant et de gaz», affirme Taher al-Nounou, un haut cadre du Hamas. Mais pour l’ONG Amnesty International, cette trêve de quatre jours s’annonce «insuffisante» au regard des besoins.
Le mouvement a également exigé et obtenu l’arrêt complet des vols d’avions et, pendant six heures par jour, de drones, utilisés tant pour le combat que pour la surveillance. Les États-Unis suspendront aussi les vols de leurs drones, a annoncé Washington, reconnaissant par là son implication à Gaza. Cette suspension des survols pourrait permettre au Hamas de regrouper les otages, selon des sources israéliennes citées dans les médias, dispersés ou aux mains du Djihad islamique, un autre mouvement radical palestinien. Certaines autorités redoutent qu’elle serve aussi au Hamas à réunir et raviver ses forces.
C’est l’une des raisons pour lesquelles le blanc-seing à cet accord a donné lieu à d’âpres et amères discussions au sein du gouvernement. D’après la presse locale, trois ministres suprémacistes ont voté contre, tous issus du parti d’Itamar Ben Gvir, qui le considère «immoral». Plusieurs ministres de partis sionistes religieux ont fini par entériner le texte, comme Bezalel Smotrich, non sans avoir vivement critiqué le premier ministre Benyamin Netanyahou et les généraux membres de son cabinet de guerre, collectivement accusés de ne pas avoir su prévenir les massacres du 7 octobre.
Ces prises à parole illustrent la grande fragilité de l’autorité de Netanyahou, qui dépend des parties d’extrême droite pour se maintenir au pouvoir. Le premier ministre est sous le feu d’intenses critiques émanant de son opposition, voire de membres de sa propre formation. Conscient de cette faiblesse et de l’intensification des pressions internationales, Benyamin Netanyahou a affirmé que signer cet accord était «la bonne décision», tout en reprenant immédiatement son ton martial. «Je vais être clair. Nous sommes en guerre et nous continuerons à être en guerre tant que nous n’aurons pas atteint tous nos objectifs: éradiquer le Hamas, ramener tous nos otages, et être certains qu’il n’y a plus personne à Gaza qui menace la sécurité d’Israël.» «Nous confirmons que nos mains resteront sur la gâchette», a, de son côté, averti le Hamas.