Un inversement des rôles inhabituel en Iran. Depuis plusieurs jours, des dizaines de photos d’hommes iraniens portant un voile circulent sur les réseaux sociaux. Un geste fort en soutien aux femmes dans un pays où leurs droits sont largement réprimés.
De nombreux Iraniens tout âge confondu, un voile sur la tête, posent devant l’objectif ou en selfie pour dénoncer l’obligation du port du voile imposé aux femmes. Depuis la Révolution islamique de 1979, la police veille au strict respect de cette règle dans l’espace public.
C’est pour dénoncer l’«absurdité» de cette règle et «l’injustice» dont sont victimes les Iraniennes «depuis plus de quatre décennies», que des hommes «publient des photos d’eux avec un voile», décrypte sur son compte Twitter Farid Vahid, co-directeur de l’Observatoire du Nord et du Moyen-Orient et de la Fondation Jean Jaurès.
Certains étudiants se rendent même «à l’université en portant le voile» pour témoigner de leur «solidarité» à leurs camarades et protester contre «le code vestimentaire» qui y est obligatoire. Cette pratique vise «à défier et ridiculiser le régime», salue Farid Vahid auprès du Figaro. «Ils veulent montrer qu’un homme voilé est ridicule et que c’est la même chose pour les femmes.» Un moyen «innovant pour manifester leur mécontentement contre la censure».
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Pour le directeur, ce geste est riche en significations. «En se voilant, les hommes brisent des codes de la virilité masculine : ne pas montrer de faiblesse, porter une moustache…» À travers la publication de ces clichés sur les réseaux sociaux, les Iraniens remettent en question «l’autorité de l’État sur le peuple dans l’espace public». Mais ont-ils le droit de porter le voile ? «Ce n’est pas illégal», répond Farid Vahid. Cependant, en s’opposant à la «dictature», les hommes «risquent comme tout citoyen le renvoi de leur université, une arrestation…»
De leur côté, les pharmaciens se moquent aussi publiquement de l’Iran Food and Drug Administration (IFDA). Cette administration publique qui opère sous la tutelle du ministère de la Santé a rendu obligatoire le port du voile traditionnel à tout le personnel féminin dans les officines. Pour montrer leur désaccord avec cette mesure, les professionnels posent derrière leur bureau ou entre deux rayons de médicaments, un voile sur la tête.
Sur son compte Twitter, la journaliste et activiste Masih Alinejad, félicite ces actions : «Les hommes iraniens se moquent de cet ordre et soutiennent leurs collègues féminines en portant le hijab.» Ces photos ont fait le tour du monde entier et ont été applaudies par des centaines d’internautes. «Fiers de nos hommes qui se sont tenus à nos côtés dans la lutte pour la liberté
Masih Alinejad va plus loin en appelant, dans un autre post, «les pharmaciens internationaux à soutenir leurs collègues iraniens». L’activiste rappelle que «de nombreuses femmes ont perdu leur emploi pour le crime d’avoir résisté aux lois sur le port obligatoire du hijab. […] Les droits de l’homme sont une question mondiale. Montrez votre solidarité».
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Ce n’est pas la première fois que Masih Alinejab interpelle les hommes. En 2016, l’opposante au régime leur avait demandé de participer à sa campagne contre le port du voile obligatoire à travers le hashtag
Depuis la mort de Mahsa Amini en septembre dernier, les hommes n’ont cessé de témoigner leur soutien dans la lutte des femmes. «La plupart des morts dans les manifestations sont des hommes», rappelle Farid Vahid. Mais les Iraniens protestent car la révolution initialement contre le port du voile obligatoire est devenue une «lutte pour la démocratie». La réunion des sexes autour d’une même cause est «inédite dans cette région», pour le spécialiste.