La planète s’embrase. Et avec elle ses forêts. Dernier exemple en date, la Grèce qui lutte depuis le lundi 17 juillet contre de violents incendies toujours actifs à l’ouest d’Athènes et sur l’île de Rhodes, plus au sud. En tout, plusieurs milliers d’hectares ont brûlé dans le pays dans ce qui reste une «énorme bataille contre les flammes». Pour y faire face, la Grèce a activé ce mardi le mécanisme européen de protection civile. «La Roumanie, la Slovaquie et la Pologne ont répondu», a annoncé ce mercredi Yannis Artopios, porte-parole des sapeurs-pompiers grecs.

En tout, 149 pompiers à bord de 49 véhicules viendront de Pologne, 50 soldats du feu de Roumanie et 31 de Slovaquie. Ce mécanisme européen de protection civile s’étend aux 27 États membres de l’Union européenne (UE), auxquels s’ajoutent neuf autres États (Albanie, Bosnie-Herzégovine, Islande, Macédoine, Monténégro, Norvège, Serbie, Turquie, Ukraine). Il permet de mutualiser les forces terrestres et aériennes, notamment dans la lutte contre les incendies.

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En 2019, l’UE a modernisé son mécanisme via la création de rescEU, une «réserve de capacités européennes» d’urgence, financée par Bruxelles, et composée notamment de Canadair et d’hélicoptères bombardiers d’eau. La France l’a par exemple activé deux fois à l’été 2022 lors des méga feux de forêts en Gironde. Mais le mécanisme européen est-il taillé pour tenir le coup face à ces multiples incendies d’ampleur simultanés ?

Les moyens européens viendront donc appuyer les plusieurs centaines de soldats du feu grecs déjà présents. «200 pompiers en renfort sont une aide importante», estime Philippe Besson, président et fondateur de l’ONG Pompier urgence internationale. Selon lui, il est complexe pour «chaque pays de se débrouiller seul» face à un important incendie.

Cette année, les capacités aériennes du dispositif européen ont toutefois été multipliées par deux en amont de l’été, passant à 28 appareils. Ces appareils sont financés majoritairement par l’UE, mais restent sous l’autorité des pays résidents. Dans le détail, il s’agit de 10 Canadair, 14 avions amphibies légers – plus petits que des Canadair – et 4 hélicoptères. À titre de comparaison, la France dispose cette année de 47 appareils aériens, dont 12 Canadair. Deux Canadair italiens et deux français ont été déployés en Grèce, selon la Commission européenne. «Cela ne fait que déplacer la capacité à résister vers le haut», estime Sébastien Lahaye, ancien pompier désormais à la tête de Warucene, une société de conseil qui protège face aux risques de nouveaux incendies.

Toute la question reste de savoir à quel rythme les moyens européens progresseront, face à un risque incendie qui augmente d’années en années, à cause du réchauffement climatique. «Nous souhaitons maintenir un niveau de moyens au moins aussi important chaque année que la précédente, mais l’objectif reste de monter en puissance», indique la Commission européenne. Une douzaine d’avions de lutte contre les incendies pourraient par ailleurs être achetés par l’UE en 2027.«Nous sommes en négociation, rien n’est fait», glisse-t-on du côté de Bruxelles.

En attendant, l’Union européenne avait prépositionné – en amont de la période des feux – des pompiers dans certains États membres, en fonction du risque d’incendie. 205 pompiers – dont 20 Français – avaient notamment été placés en Grèce. «Le prépositionnement permet d’être encore plus réactif face aux feux naissants pour éviter qu’ils ne deviennent extrêmes», décrypte Sébastien Lahaye. «Si le risque devenait trop fort dans les pays de provenance, je ne doute pas qu’un rapatriement ait lieu», ajoute-t-il. Autant de moyens qui ne seraient plus à disposition du pays où ils avaient été prépositionnés, s’il venait lui aussi à subir un incendie d’ampleur.

C’est ce qui semble inquiéter les spécialistes. «L’année dernière, cela a brûlé en France, cette année c’est – pour l’instant – davantage en Grèce, observe Philippe Besson. Plusieurs feux en même temps limiteraient l’efficacité du mécanisme et la lutte deviendrait plus compliquée». «Même si cette aide est évidemment utile, ce ne sont pas des pompiers en plus qui permettront d’éteindre des mégafeux», complète pour sa part Sébastien Lahaye. Preuve en est au Canada où les flammes semblent inarrêtables malgré un soutien international important. Pour l’heure, les incendies en Grèce n’ont pas été qualifiés de mégafeux.

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C’est là toutes les limites d’un mécanisme qui reste néanmoins précieux. «Il faut admettre qu’il y a un moment où les limites seront atteintes», estime Sébastien Lahaye. Alors où placer ce curseur ? Difficile à dire d’après ces experts. «Cela m’inquiète. C’est une vraie problématique», fait part Philippe Besson.

Dans le cas où cela se produirait, la seule solution serait de «laisser brûler la forêt» par manque de moyens. «Il faudrait alors se concentrer sur des points sensibles comme la protection des habitations», prévient-il. L’été dernier, en parallèle des feux de Gironde, l’Espagne et le Portugal s’étaient également embrasés, détruisant plusieurs milliers d’hectares. Le Portugal avait par ailleurs activé le mécanisme européen pour lutter contre ces feux, en même temps que la Gironde.

Plus globalement, le mécanisme européen de protection civile a été activé 65 fois pour les feux de forêts depuis dix ans, indique la Commission européenne, dont onze fois en 2022. Alors quelles solutions ? «La sensibilisation aux feux de forêt est insuffisante et il s’agit d’un vrai levier», veut croire Philippe Besson. «De nouvelles technologies émergent et permettent de mieux anticiper le risque incendie», estime-t-il également. Parmi celles-ci des capteurs positionnés dans la forêt donnant notamment des indications sur l’humidité et la force du vent ou encore des robots à quatre pattes équipés de caméras thermiques. Cela permettrait à chaque État d’adapter son dispositif pour tuer l’incendie dès son apparition. Et donc d’éviter l’émergence de mégafeux incontrôlables.