L’armée israélienne le surnomme le «métro de Gaza». Pour cause, le réseau de souterrains et de tunnels quadrille la bande de Gaza, débordant en Israël et en Égypte, utilisé comme de véritables corridors clandestins. Et si les kilomètres de galeries ont d’abord été creusés pour approvisionner le territoire de contrebandes, le réseau est devenu un véritable outil militaire pour les groupes armés palestiniens.

L’attaque terroriste du samedi 7 octobre, à l’aube, sur le sol israélien de milliers de combattants du Hamas en a fait la démonstration. Les combattants du Hamas ont franchi la barrière anti-tunnels construite ces dernières années par Israël avec une déconcertante facilité, en contournant par la mer, en s’envolant en parapente par les airs, en enfonçant la clôture au bulldozer, mais aussi en utilisant de nouveaux tunnels censés avoir été détruits par Tsahal.

Alors que l’armée israélienne se prépare à un assaut d’envergure de la bande de Gaza, le réseau de souterrains va donc sérieusement handicaper les troupes de Tsahal. Des combattants, installés jusqu’à 30 ou 40 mètres sous terre, y circulent hors de portée des frappes. Des batteries de lance-roquettes cachées à quelques mètres de profondeur peuvent en sortir par un système de trappe pour tirer et disparaître à nouveau.

L’armée israélienne les avait intensément bombardés en 2021. Mais si une partie de ce réseau lui est sans doute connue, d’autres sont restés secrets et compliqueront ses opérations. Le Hamas «connaît ses tunnels par cœur», a expliqué à l’AFP Colin Clarke, directeur de recherche du Soufan Center à New York. «Certains sont probablement piégés. Se préparer à se battre dans un tel terrain (…) nécessiterait du renseignement étendu (…), ce dont les Israéliens ne disposent peut-être pas».

Variant en hauteur, en largeur et en sophistication, les tunnels ont été creusés à l’origine pour introduire depuis l’Égypte des matériaux de contrebande comme des cigarettes, du lait, des vêtements, des pièces détachées de voitures etc. Ces souterrains étaient étroitement surveillés par les services de sécurité de l’Autorité palestinienne qui en verrouillait l’accès.

Mais au début des années 2000, Israël intensifie la lutte contre ces tunnels qu’il soupçonne de permettre aux combattants palestiniens de se procurer des armes. Après le départ en 2005 des Israéliens qui occupaient la bande de Gaza puis de la prise de contrôle du territoire par le Hamas en juin 2007, la contrebande d’armes s’intensifie. «Elle va des pièces détachées de roquettes iraniennes ou chinoises, aux missiles antiaériens, en passant par des tonnes de TNT et autres explosifs, indispensables à la détonation des missiles que le Hamas tire sur le sud d’Israël», racontait Le Figaro en 2009, à l’occasion d’un reportage. Le creusement des tunnels est savamment orchestré et devient un véritable business géré par le Hamas.

Lors de plusieurs opérations terrestres, notamment en 2006, 2008 puis 2014, ainsi qu’à l’occasion d’intenses campagnes de bombardement comme lors de la guerre de 2021, Israël a tout fait pour détruire le réseau souterrain qui est devenu, au fur et à mesure des années, un abri pour les dépôts d’armes et les ateliers de fabrication. Mais le Hamas a continué inlassablement à construire ce dédale de galeries en dépit des moyens d’espionnage déployés par le renseignement israélien.

Depuis la dernière guerre de Gaza en 2021, «les tunnels ont été restaurés et le stock de missiles réalimenté», déclarait en avril 2022 Abou Hamza, un porte-parole des brigades Al-Quds, qui saluait à l’occasion le «soutien financier illimité de l’Iran».

En décembre de l’année passée, l’ONU avait ainsi annoncé avoir découvert un tunnel sous l’une de ses écoles dans la bande de Gaza. L’agence de l’ONU pour les réfugiés palestiniens (Unrwa) avait identifié une «cavité artificielle souterraine». «La pluie (récente) a probablement creusé un trou dans le sol qui a permis de révéler la présence d’une structure d’un tunnel terroriste à proximité d’une école de l’Unrwa à Gaza», avait indiqué à l’AFP une source militaire israélienne.

L’assaut attendu des forces israéliennes suite à l’attaque sanguinaire du Hamas le 7 octobre dernier sera donc des plus complexes. «Tout le monde sait que ce sera long et difficile avec beaucoup de pertes», a admis à l’AFP Alexandre Grinberg, ajoutant qu’il existe «des robots et d’autres moyens spéciaux qui permettent d’entrer dans des tunnels». Pour le Hamas, assure-t-il, «c’est un avantage qui peut aussi s’avérer un piège. Lorsqu’on localise des tunnels, on peut enfermer ceux qui sont dedans. Et en l’occurrence la consigne sera ’pas de quartier’».