Par-delà le fracas des armes, une rengaine revient régulièrement depuis le début de la guerre : l’accord sur le transit des céréales ukrainiennes en mer Noire. Signée en juillet 2022 entre la Russie et l’Ukraine, sous l’égide de la Turquie, cette initiative a déjà été renouvelée à deux reprises. Mais alors qu’elle devait expirer ce lundi soir à 21 heures GMT, le Kremlin a annoncé dans la matinée que l’accord était «de facto terminé», et que la Russie n’y reviendrait pas tant que ses conditions ne seront pas remplies.
L’accord visait initialement à soulager les risques de famine dans le monde, en garantissant malgré la guerre la mise sur le marché des productions agricoles ukrainiennes. Il garantissait la sécurité du trafic des cargos en mer Noire au départ des ports d’Ukraine et imposait une inspection des navires des représentants des signataires. Jusqu’à aujourd’hui, cette initiative a permis d’exporter près de 33 millions de tonnes de céréales, en majorité du blé et du maïs.
Depuis plusieurs semaines, des négociations étaient en cours pour tenter de convaincre Moscou de reconduire l’accord. Mais dès le 4 juillet, la Russie avait prévenu ne voir «aucune raison» de le prolonger. Mardi 11 juillet au soir, la Russie avait même lancé une série d’attaques de drones contre un terminal céréalier de la région d’Odessa, qui abrite trois ports clés pour l’exportation des céréales. Jeudi 13 juillet, Vladimir Poutine avait regretté que «pas une seule» des demandes russes n’avait été prise en compte à ce stade.
À lire aussiDivisions européennes sur les céréales d’Ukraine
Moscou se plaint notamment d’entraves à ses propres livraisons de produits agricoles. L’accord de juillet 2022 prévoyait en effet de lever les obstacles à l’exportation d’engrais russes et aux transactions financières de la Banque agricole russe. Mais Vladimir Poutine dénonce le non-respect de ce point. En réponse, le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres a proposé d’«éliminer les entraves aux transactions financières de la Banque agricole de Russie». Une lettre avait été adressée en ce sens au chef du Kremlin, et une rencontre ONU-UE a eu lieu jeudi et vendredi à ce sujet.
De son côté, l’UE avait proposé début juillet que la banque agricole russe soit de nouveau reliée au système de paiement international SWIFT, dont elle avait été retirée en juin 2022 en représailles de la guerre en Ukraine. Selon le Financial Times, l’UE proposait à la banque russe de créer une filiale qui aurait accès au dit système. Mais la porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères avait jugé cette solution «délibérément impraticable» car bien trop longue à mettre en place.
Pour renouveler l’accord céréalier, les autorités russes ont également exigé la remise en service du pipeline d’ammoniac Togliatti-Odessa. Ce canal avait été endommagé début juin et les deux belligérants s’étaient à l’époque renvoyé la responsabilité. Avant d’être touché, le pipeline acheminait 2,5 millions de tonnes d’ammoniac russe par an, depuis la région de la Volga jusqu’au port ukrainien de Pivdennyi, sur la mer Noire.
À lire aussiExportations de céréales : «Nos tâtonnements réglementaires, scientifiques et politiques éventuels profitent à la Russie»
Autre point de crispation : la livraison de céréales aux pays dans le besoin, notamment africains. «Principal objectif de l’accord», ce point «n’est pas réalisé», a regretté samedi le Kremlin, après un appel téléphonique entre Vladimir Poutine et son homologue sud-africain Cyril Ramaphosa. D’après Moscou, seules 3% des 32 millions de tonnes de biens alimentaires produits par Kiev depuis un an sont livrés aux pays les plus pauvres. Un chiffre contesté par l’UE, qui évoque un ratio de 49%.