Encercler, pilonner et conquérir les villages attenants. Pour conquérir Avdiivka dans le Donbass, 30.000 habitants avant la guerre, l’armée russe use des mêmes méthodes qu’à Bakhmout, 70 kilomètres plus au nord. Sa position, qui la situe en hauteur de Donetsk, capitale de l’oblast (région administrative ukrainienne, NDLR) du même nom, est stratégique. Moscou, qui a annexé cet oblast alors qu’il n’en contrôle militairement que la moitié, veut aussi montrer qu’il est capable de protéger sa nouvelle «capitale» régionale et desserrer l’étau autour de cette ville d’un million d’habitants.

Mais sa méthode, frontale depuis plusieurs mois, n’a pas rencontré les succès escomptés. Désormais, l’encerclement est privilégié pour assiéger la ville que les Russes cherchent à envelopper à la fois par l’Ouest et par le Nord. Depuis le 1er janvier, la tenaille russe s’est resserrée à l’image des zones en rouge foncée sur la carte ci-dessous.

«Depuis cinq semaines, l’armée russe développe une vraie stratégie. Il faut bien comprendre que la zone est fortifiée depuis 2014, qu’elle est très aménagée en hauteur (avec les bâtiments, NDLR) et en profondeur (avec plusieurs lignes de défense, NDLR)», décrypte le général (2S) Olivier Kempf. Malgré cela, à l’ouest de la ville, les Russes ont conquis les collines au nord de Vodyane (en rouge foncé sur la carte, NDLR) et dominent maintenant Sjeverne, à quelques kilomètres seulement d’Avdiivka. «Les arrières ukrainiens à l’ouest de la ville sont moins urbanisés, et le terrain sera donc plus difficile à défendre», souligne le général Kempf. Mais à l’Est et au Nord, la tenaille russe se referme aussi sur une ligne Krasnohorivka-Vesele-Kamianka. Avdiivka se retrouve désormais à moitié encerclée.

Pour faire complètement tomber la ville, les Russes pourraient couper le ravitaillement. «Avdiivka est surtout approvisionnée par le chemin de fer et une route. Couper ces accès permettrait de forcer les Ukrainiens au repli, comme à Severodonetsk (une ville du Donbass où les Ukrainiens se sont repliés après un mois de combats acharnés, NDLR)», ajoute le général Kempf. Une méthode que les Russes utilisent également à Bakhmout en ce moment, bien qu’une ultime route y permette toujours le ravitaillement.

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Mais les Ukrainiens pourraient, comme à Bakhmout, profiter de ce siège pour «fixer» les troupes russes, les empêchant ainsi d’attaquer ailleurs ou de défendre un territoire face à une contre-offensive ukrainienne annoncée pour le printemps. «Dans ce type de siège, une ville présente l’avantage de forcer l’adversaire à fixer ses forces et ‘consommer’ des obus ou des soldats», relève le général. À Bakhmout, par exemple, les Russes auraient perdu 10.000 à 15.000 militaires à Bakhmout depuis le début de la bataille en mai, selon Mykhaïlo Podoliak, conseiller à la présidence ukrainienne.

Pour conquérir Avdiivka, la Russie et ses supplétifs séparatistes ont mené plusieurs tentatives dès le 20 février, quatre jours avant le déclenchement de «l’opération militaire spéciale» par Vladimir Poutine. Mais l’armée russe a mis les gros moyens depuis juillet dernier, en amenant des effectifs qui avaient été affectés à la conquête de Lyssytchansk, plus au nord dans le Donbass. Une décision qui n’avait pas été comprise à l’époque. La route de Kramatorsk (capitale ukrainienne de l’oblast de Donetsk depuis 2014, NDLR) et Sloviansk s’ouvrait à eux, mais ils ont préféré se concentrer sur le dégagement de Donetsk, et donc la prise d’Avdiivka.

Sa conquête permettrait aux Russes de dégager Donetsk, occupée par les rebelles prorusses depuis 2014 et annexée en septembre dernier par la Russie. Lors de la première guerre du Donbass, les forces prorusses, appuyées par l’armée russe, avaient déjà tenté de conquérir la ville mais en avaient été chassées après quatre mois d’occupation. Depuis, Avdiivka a été fortifié en règle par les Ukrainiens et demeurait un point important du système de défense de Kiev sur la ligne de front.

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Pour l’heure, l’armée ukrainienne annonce des «actions infructueuses russes» à Avdiivka, mais l’encerclement se poursuit pourtant sûrement quoique lentement. Et la contre-offensive de printemps, elle, n’est pas encore arrivée.