Soucieux d’apporter sa pierre au retour de la paix au Proche-Orient, Emmanuel Macron a poursuivi mercredi 25 octobre sa tournée régionale. Le matin, il s’est entretenu à Amman avec le roi Abdallah de Jordanie et, l’après-midi, au Caire, avec le président égyptien al-Sissi.

La Jordanie et l’Égypte sont aujourd’hui les deux acteurs arabes majeurs eu égard au problème palestinien. La Jordanie a contrôlé la Cisjordanie de 1949 à 1967, elle a une population à 55 % d’origine palestinienne, elle a une reine palestinienne, elle a conclu un traité de paix avec l’État hébreu il y a un quart de siècle, après avoir livré deux guerres contre lui. Sa population a massivement manifesté, dans les deux dernières semaines, en faveur des Palestiniens de Gaza, victimes de bombardements massifs par les avions israéliens.

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L’Égypte, en paix avec Israël depuis 1979, tient la frontière sud de la bande de Gaza, et notamment le point de Rafah, seul lieu de passage des habitants palestiniens qui souhaitent voyager à l’extérieur et, depuis peu, point de ravitaillement majeur de ce territoire de 365 km2, fermé en permanence depuis 2008. Pas un seul camion d’aide humanitaire ne passe aujourd’hui à Gaza s’il n’a obtenu préalablement une double autorisation: égyptienne et israélienne. Sans le crier sur les toits, les services de renseignements israélien et égyptien travaillent main dans la main, partageant le même désir d’un Sinaï pacifié, dépourvu de tout groupe armé.

Aux deux leaders arabes modérés, Abdallah et al-Sissi, le président français a proposé son idée d’une coalition internationale pour la paix et la sécurité, composée des grandes puissances et de tous les pays du Moyen-Orient désireux de combattre ensemble le terrorisme. Il est vrai que, dans un passé récent, la coalition contre Daech a bien fonctionné, réussissant à éliminer le gros des combattants de l’État islamique ayant fait souche en Irak et en Syrie.

Le président français a insisté sur l’importance de partager le renseignement. Il a pris la précaution de ne plus comparer le Hamas à Daech – ce qu’il avait fait, la veille, devant un Benyamin Netanyahou ravi. Emmanuel Macron a en effet pris conscience que les populations du monde arabo-musulman considèrent le Hamas comme un mouvement de résistance nationaliste, que légitime l’état d’enfermement unique au monde des 2,5 millions d’habitants de la bande de Gaza.

Mais le principe de cette initiative commune contre le terrorisme a été bien reçu par les deux leaders arabes modérés, car les deux souffrent chez eux de sérieux problèmes de terrorisme.

Le deuxième pilier proposé par Macron à ses interlocuteurs arabes est une lutte commune en faveur du développement des populations appauvries par les répercussions de ce conflit israélo-palestinien sans fin. À court terme, il s’agit d’apporter un maximum d’aide à Gaza et d’obtenir l’ouverture de corridors humanitaires. Le président français a annoncé le départ de Toulon d’un navire-hôpital de la marine nationale en direction des rivages de Gaza. Dès le 26 octobre, des avions français feront la navette avec le territoire égyptien pour apporter de l’aide humanitaire à la population gazaouie.

Répondant à une accusation, formulée à l’endroit des Occidentaux par le roi de Jordanie, de pratiquer une politique de deux poids, deux mesures, à l’égard des victimes palestiniennes, Emmanuel Macron a répondu que la France, «terre d’humanisme», ne la pratiquait jamais. «Pour la France, toutes les vies se valent, il n’y a pas de hiérarchie», a dit le chef de l’État.

À moyen terme, le président français et ses interlocuteurs arabes vont travailler à rendre possibles les investissements productifs internationaux dans les Territoires palestiniens, une fois qu’Israël aura levé leur blocus.

Enfin, le président français a expliqué qu’il n’y aurait jamais de paix dans la région sans la création d’un État palestinien viable. Il a mis cette aspiration palestinienne à un État à égalité avec le droit d’Israël à la sécurité.

Au palais présidentiel du Caire, Emmanuel Macron a salué la réussite du partenariat stratégique de la France et de l’Égypte (notamment sur la lutte contre le terrorisme et sur la résolution de la question libyenne) et a rappelé que les deux pays n’avaient jamais cessé de militer pour la création d’un État palestinien.

Pour le président français et ses interlocuteurs arabes, il est primordial que le conflit ne s’étende pas. Voilà pourquoi les trois leaders prêchent la modération à Israël, à la fois dans son opération de démantèlement du Hamas – qui pourrait «prendre beaucoup de temps», selon al-Sissi -, et dans sa réaction aux tirs sporadiques sur les villages de Galilée, en provenance du sud du Liban, contrôlé par la milice chiite du Hezbollah.

Bref, Emmanuel Macron souhaite, à l’aide de son levier arabe (qui est égyptien et jordanien, mais aussi saoudien, émirien et qatarien), briser la fatalité du Proche-Orient, que les journalistes américains résument ainsi depuis vingt ans: «US bombs, UN feeds, EU pays» (l’Amérique ou son allié israélien bombarde, l’ONU s’occupe de nourrir les réfugiés, l’Union européenne paie pour la reconstruction).

Le président al-Sissi a chaleureusement et publiquement remercié le président Macron pour son «courageux et nécessaire engagement» en faveur d’une paix durable au Proche-Orient.

Si l’on oublie l’idée saugrenue d’une coalition militaire internationale contre le Hamas proférée en Israël le 24 octobre, le président français a incontestablement surpassé diplomatiquement ses homologues occidentaux. MM. Biden, Sunak et Scholz ne se sont déplacés qu’en Israël. Macron a réussi, en plus, à construire un partenariat crédible avec les leaders arabes voisins des Palestiniens.