Depuis le 11 juillet 2023, le corridor de Latchine, seul couloir reliant les Arméniens du Haut-Karabakh au reste du pays, a été « fermé temporairement » par l’armée azerbaïdjanaise. Alors qu’elle dépend à « 90% des produits alimentaires importés depuis l’Arménie », selon son président Arayik Haroutiounian, ce blocus met la région dans une situation qui ne finit pas de s’aggraver.

Lors d’une conférence de presse, ce lundi 24 juillet 2023, le président Haroutiounian a martelé que la situation avait dépassé le seul cadre des tensions entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan. « Mes inquiétudes sont humanitaires, pas politiques. Il nous reste de quoi tenir quelques jours, on compte nos provisions, on compte les calories. »

À l’ombre d’ambitions régionales

Responsable du dessin des frontières du Caucase dans les années 30, Staline a été le premier à rattacher le Haut-Karabakh, composé d’une écrasante majorité d’Arméniens, à l’Azerbaïdjan et non à l’Arménie. La région est depuis sujette aux tensions et convoitises des deux pays.

La dernière guerre en date s’est conclue en 2020 par une défaite arménienne. Après avoir déposé les armes, le pays a concédé à l’Azerbaïdjan trois régions sous son contrôle depuis 30 ans : Choucha, Kelbadjar et Latchine. Sans elles, le Haut-Karabakh est géographiquement coupé du reste du pays. Dans l’accord de cessez-le-feu, conclu en novembre 2020 sous son égide, la Russie s’était engagée à assurer la sécurité du corridor reliant l’enclave à l’Arménie.

Affaiblie par sa guerre en Ukraine, la Russie, l’alliée historique de l’Arménie dans le Caucase, s’est montrée incapable de tenir son engagement. Ce manquement a, pour la première fois, été ouvertement dénoncé par le Haut-Karabakh. Les carences de la Russie ont permis à l’Azerbaïdjan d’installer un poste de contrôle à l’entrée du corridor de Latchine dès décembre 2022, puis d’empêcher tout passage, y compris celui des camions humanitaires de la Croix Rouge depuis le 11 juillet dernier.

L’Azerbaïdjan prend en otage le Haut-Karabakh pour pousser son avantage dans les négociations avec l’Arménie. La situation dans la région séparatiste s’aggrave quotidiennement et les morts commencent à être comptés. Désormais sous médiation occidentale, les discussions pour un traité de paix continuent et l’Arménie apparaît affaiblie. Pour la première fois, son premier ministre, Nikol Pashinyan, s’est dit prêt à reconnaître le Haut-Karabakh comme étant une partie intégrante de l’Azerbaïdjan, sous certaines conditions.

L’autodétermination comme dernier recours

Cette reconnaissance bouleverserait la géopolitique de la région. L’Arménie abandonnerait les 140 000 âmes du Haut-Karabakh, qui dès lors passeraient sous la coupe du régime azerbaïdjanais de l’autoritaire Ilham Aliyev.

Ouvert à discuter de la cession de l’enclave, le premier ministre arménien est critiqué par son homologue du Haut-Karabakh : « J’appelle l’Arménie à s’abstenir de prendre des positions qui peuvent nuire aux négociations du Haut-Karabakh », a déclaré ce dernier. Dépourvue de cet allié, habituellement le plus impliqué, la région séparatiste souligne la gravité de la situation pour que d’autres défendent sa cause : « Le Haut-Karabakh demande une aide de la part des acteurs internationaux. Nous sommes en voie d’extermination. »

Les nombreux appels à la levée du blocus – la Cour internationale de Justice et plusieurs capitales occidentales ont pris parti en ce sens – demeurent pour l’instant sans effet. De plus en plus isolé de l’Arménie, à laquelle sa région voulait être rattachée, le président du Haut-Karabakh joue la carte de l’indépendance : « Les Arméniens et l’Arménie ne peuvent pas nous retirer notre droit à l’autodétermination. »