Pour la première fois depuis le début des années 1960, des voix dissidentes au Parti des travailleurs au pouvoir en Corée du Nord ont été enregistrées lors d’élections locales, qui se sont déroulées dimanche 26 novembre. «Parmi les électeurs qui ont pris part au scrutin, 99,91% ont voté pour les candidats aux assemblées populaires de province» et «99,87% ont voté pour les candidats aux assemblées populaires des villes et des comtés», indiquait mardi 28 novembre l’agence de presse officielle du régime, KCNA.

Au travers de cette saugrenue opération de communication et de transparence, le pays paria, dirigé d’une main de fer par le secrétaire général du Parti des travailleurs Kim Jong-un, tente de «renforcer [sa] légitimité et [son] authenticité sur la scène mondiale», analyse la Fondation Asie-Pacifique du Canada dans un rapport. «Cette approche va au-delà de la restructuration politique interne et s’étend à la construction d’un récit international, cherchant à remodeler les perceptions de la Corée du Nord comme un pays progressiste, bien qu’incompris», poursuit le groupe de réflexion.

Pour voter, les électeurs avaient le choix de glisser leur bulletin dans deux urnes. L’une verte, pour approuver le candidat du parti. Une autre, rouge, pour le rejeter. «Les électeurs souffrant de vieillissement ou de maladie ont voté dans des urnes mobiles», ajoute l’organe de presse du régime. Ils sont ainsi 0,09% et 0,13% à avoir voté respectivement contre les candidats sélectionnés pour les conseils provinciaux et municipaux.

Faisant état des résultats de l’élection, les médias officiels de la dictature communiste ont annoncé un taux de participation de 99,63% – en République populaire démocratique de Corée, la participation est obligatoire… «Ceux qui n’ont pas pu participer au vote parce qu’ils étaient en tournée à l’étranger ou travaillaient dans les océans s’élevaient à 0,37% et les abstentions s’élevaient à 0,000078%», écrit KNCA. C’est moins qu’en 2019 où ce dernier était de 99,98%, note Reuters.

Selon un fonctionnaire du ministère de l’Unification sud-coréen cité anonymement par The Korea Times , le régime communiste «pourrait avoir manipulé» le chiffre de la participation «afin de donner l’impression que les élections étaient des élections libres». Pour la Fondation Asie-Pacifique du Canada, «cette diminution pourrait plutôt indiquer un léger affaiblissement du contrôle de l’État». «En réponse, les autorités pourraient intensifier la surveillance interne en traquant les absents et ceux qui se déplacent sans autorisation», ajoute le rapport.

Organisées tous les quatre ans, ces élections étaient les premières depuis que le pays a révisé, en août 2023, sa loi électorale pour autoriser plusieurs candidats à se présenter. Mais ces derniers sont soigneusement choisis par le parti au pouvoir. À l’issue du scrutin, 27.858 «ouvriers, paysans, intellectuels et fonctionnaires sont devenus députés» des différentes assemblées, rapporte KNCA.

Ces simulacres électoraux ne sont que des formalités aux allures de grande fête patriotique. Sur les réseaux sociaux, une vidéo du plus jeune dictateur du monde arrivant au complexe de Ryongsong, de la ville de Hamhung, pour voter sous les hourras orchestrés de ses compatriotes.

«Lorsque le respecté camarade Kim Jong-un est arrivé à l’isoloir, les travailleurs du complexe étaient ravis de le voir sur leur lieu de travail le jour important de l’élection (…) Les travailleurs du complexe et les habitants de la ville de Hamhung étaient remplis d’un ardent enthousiasme pour accomplir leur devoir civique», rapporte KNCA. Les prochaines élections, nationales cette fois-ci, auront lieu en mars 2024.