Sa mort est peut-être un tournant dans la guerre entre Israël et le Hamas. Pourtant, il n’était ni le plus connu ni le plus influent des chefs de l’organisation terroriste. Considéré comme le numéro deux du bureau politique du mouvement islamiste, Saleh al-Arouri a été tué mardi après-midi à Beyrouth dans une frappe aérienne. Celle-ci n’a jamais été revendiquée, mais tout indique la signature d’Israël.

Membre fondateur des Brigades Ezzedine al-Qassam, la branche armée du Hamas, au début des années 1990, il aurait joué un rôle majeur dans le développement des capacités militaires du mouvement islamiste palestinien ces dernières années. Plus récemment, il faisait le lien entre le Hamas, l’Iran et le Hezbollah libanais. L’État hébreu considère que ce chef terroriste de 57 ans était impliqué dans de nombreuses attaques, à commencer par celle du 7 octobre, qui a déclenché la guerre en cours depuis bientôt trois mois dans la bande de Gaza.

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C’est en Cisjordanie, où il est considéré comme le chef local du Hamas, que débute son singulier itinéraire. Là sont ses racines familiales, dans le village d’Aroura, près de Ramallah, où il naît en 1966. Après des études islamiques à l’université d’Hébron, il intègre jeune les Frères musulmans. Dès 1987, date de la fondation du Hamas par les dirigeants des Frères musulmans, il en devient tout naturellement un membre actif.

Détenu plusieurs fois au début des années 1990, il est condamné à quinze ans de prison pour avoir formé les premières cellules des Brigades Ezzedine al-Qassam en Cisjordanie. Libéré en 2007, il a été de nouveau emprisonné trois mois plus tard jusqu’en 2010, date à laquelle il a été libéré à condition de partir en exil. Arouri a ainsi été expulsé en Syrie, où il a passé trois ans avant de s’installer au Liban. Après sa libération en 2010, il a été nommé au sein de la branche politique du Hamas et a fait partie de l’équipe de négociateurs ayant obtenu, avec des médiateurs égyptiens, l’échange en 2011 de 1027 prisonniers palestiniens contre un soldat israélien. Marié et père de deux filles, Saleh al-Arouri vivait à Beyrouth.

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Le 9 octobre 2017, le Hamas a annoncé l’élection d’Arouri au poste de numéro 2 de sa branche politique, dirigée par Ismaïl Haniyeh. Ce dernier vit en exil volontaire, partageant son temps entre la Turquie et le Qatar. Considéré comme un pragmatique, Haniyeh plaide de longue date pour concilier résistance armée et combat politique au sein du mouvement, classé «terroriste» par les États-Unis, l’Union européenne et Israël.

La mort de Saleh al-Arouri renforce la menace qui pèse déjà sur la tête des autres responsables du Hamas. Comme Mohammed Deïf par exemple, le chef de la branche militaire et figure quasi légendaire pour les Palestiniens. Présenté comme «le chef d’état-major de la résistance», ce dernier est une cible pour Israël depuis de nombreuses années et a échappé à au moins à six tentatives d’assassinat connues.

Même chose pour Yahya Sinwar, le chef du Hamas à Gaza et principal cerveau de l’attaque du 7 octobre, avec qui Arouri était en compétition pour prendre la suite d’Ismaïl Haniyeh selon Amélie Férey, chercheuse en Science politique et en Relations internationales à l’Institut français des relations internationales (IFRI). Selon les révélations du Figaro , Sinwar a téléphoné à Arouri pour le prévenir de l’opération Déluge d’Al Aqsa une demi-heure avant son déclenchement. Il l’aurait alors chargé de prévenir le chef du Hezbollah, le cheikh Hassan Nasrallah.

Pourquoi est-ce Arouri qui a été frappé et pas un autre ? «Tous sont sur la liste noire du Hamas, rappelle Sacha Belissa, du centre d’analyse du terrorisme. Mais pour des raisons principalement diplomatiques, il est certainement plus facile d’effecture ce genre d’opération au Liban qu’au Qatar, ou Hhaniyeh se trouve probablement aujourd’hui.»