Les frappes aériennes et attaques terrestres font rage dans la bande de Gaza, depuis l’attaque meurtrière du Hamas en Israël le 7 octobre dernier. Les civils se retrouvent en première ligne des bombardements. Plus de 8300 Palestiniens ont été tués, dont 3457 enfants, et plus de 21.000 ont été blessés depuis le début du conflit, selon un dernier bilan du Hamas lundi 30 octobre. Les habitants encore vivants subissent quant à eux un siège complet qui les prive d’eau, de nourriture et d’électricité depuis le 9 octobre.

«En temps de guerre, les civils doivent pouvoir fuir, être protégés et bénéficier d’une aide humanitaire», déclare Lucile Marbeau, porte-parole du Comité international de la Croix-Rouge (CICR). Pour cela, les organisations humanitaires internationales peuvent envoyer des convois, participer à la mise en place de couloirs et demander une pause humanitaire. Le Figaro fait le point sur ces différentes aides aux populations, qui restent néanmoins difficiles à déployer en terre hostile.

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Ces aides sont encadrées par le droit international humanitaire «pour éviter que la stratégie militaire prévale sur l’assistance aux populations», explique Françoise Bouchet-Saulnier, conseillère stratégique en droit international humanitaire pour Médecins sans frontières et auteur du Dictionnaire pratique du droit humanitaire (Ed. La Découverte).

Les convois humanitaires permettent d’acheminer «les secours matériels ainsi que le personnel de secours humanitaire et médical dans les situations de conflits armés», détaille Françoise Bouchet-Saulnier. Mais l’envoi de tout camion ou équipe de secours suppose que les organisateurs du convoi informent les différentes parties prenantes du conflit, ici Israël et Gaza, pour éviter qu’ils soient pris pour cibles des combats. Le droit international humanitaire confie cette activité aux «organisations humanitaires impartiales» déjà présentes sur place. À Gaza, il s’agit notamment du CICR, des ONG comme Médecins sans Frontières, du Croissant Rouge Palestinien ou encore de l’Administration des Nations unies pour le secours et la reconstruction (UNRRA).

Ces institutions indépendantes s’engagent «à vérifier que les biens transportés ne soient pas des armes mais bien des médicaments, de l’eau ou de la nourriture». Ce droit international au ravitaillement est inconditionnel quand «la population souffre de pénuries de biens essentiels à sa survie. Dans ce cas, les convois de secours ne peuvent pas être refusés par les parties du conflit», avance la conseillère stratégique.

À Gaza, les médecins «opèrent à même le sol» et pratiquent des césariennes ou des «amputations de gamins sans anesthésie» du fait du manque de médicaments, a dénoncé lundi Médecins du monde (MDM). En raison d’un manque d’eau potable, «les gens boivent de l’eau de mer, les gens de mon équipe ont des diarrhées, leurs gamins dans quelques jours seront déshydratés», a ajouté le vice-président de l’ONG, Jean-François Corty.

Le terme de «couloir» n’est pas utilisé par le droit international humanitaire. Selon Françoise Bouchet-Saulnier, il renvoie en réalité «essentiellement des accords conclus entre les parties prenantes au conflit sur l ’itinéraire précis, les horaires et les modalités de sécurité concernant le passage des convois de secours aux checkpoints et dans les zones de conflits », précise Françoise Bouchet-Saulnier. Ces couloirs «peuvent permettre le départ de civils, l’arrivée de l’assistance humanitaire ou l’évacuation des blessés, des malades ou des morts», décrit le CICR sur son site.

Les organisations humanitaires internationales doivent donc négocier et s’accorder avec les parties aux conflits sur les modalités de sécurité. Définir un itinéraire pour un couloir humanitaire permet par ailleurs d’éviter «une nouvelle négociation à chaque convoi», ajoute la conseillère en droit international humanitaire.

Pour que le convoi passe dans le couloir humanitaire sans encombre, «il est important qu’il ne soit pas pris pour cible» par les belligérants, poursuit Françoise Bouchet-Saulnier. C’est pourquoi les organisations humanitaires internationales demandent des «pauses» pour «suspendre les frappes pendant le passage du convoi», précise l’experte. L’Union européenne, inquiète par la situation à Gaza, a appelé le 19 octobre à la mise en place d’«un accès humanitaire continu, rapide, sécurisé et non entravé (…) pour aider ceux qui en ont besoin par tous les moyens nécessaires, y compris des couloirs humanitaires et des pauses pour les besoins humanitaires».

Mais cette décision est en réalité «ambiguë», pointe Françoise Bouchet-Saulnier. Car dans la pratique, «il est difficile de trouver des accords pour une pause humanitaire continue, sans que l’une des parties belligérantes n’en tire bénéfice» sur le plan militaire, analyse-t-elle. Dans ce cas, il sera «difficile, voire impossible, de garantir une interruption totale des combats».

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Les opérations humanitaires ne sont pas sans risque. Les acteurs du conflit peuvent ne pas respecter les accords à la dernière minute. C’est pourquoi la négociation est au cœur du travail des organisations humanitaires internationales. «Nous dialoguons avec toutes les parties en permanence», assure Lucile Marbeau, porte-parole du CICR. Le travail repose également sur l’«identification et la responsabilisation des interlocuteurs au sein de chaque partie – israélienne, égyptienne et gazaouie – car ils sont indispensables pour prendre des engagements», souligne Françoise Bouchet-Saulnier.

Dans le cas du conflit entre Israël et le Hamas, la situation de blocus entrave les négociations et donc l’organisation de l’aide humanitaire. Plusieurs tonnes d’aides humanitaires s’entassent actuellement au poste-frontière de Rafah, entre l’Égypte et Gaza, en attendant d’être inspectées par Israël, a informé un responsable américain à l’AFP. Seuls 117 camions d’aide sont arrivés depuis le 21 octobre à Gaza, selon le dernier décompte de l’ONU lundi matin. L’organe du ministère israélien de la Défense supervisant les activités civiles dans les Territoires palestiniens, le COGAT, a indiqué mardi que 39 autres camions étaient arrivés lundi.

«Vendredi dernier, une équipe de chirurgiens, infirmières et anesthésistes a été déployée par le CICR à Gaza ce lundi et l’assistance médicale a été distribuée», informe Lucile Marbeau. Cependant, ces aides ne sont pas suffisantes. «La poignée de convois autorisés via Rafah n’est rien comparée aux besoins de plus de 2 millions de personnes piégées à Gaza», a dénoncé le chef de l’agence de l’ONU pour les réfugiés palestiniens (UNRWA) Philippe Lazzarini, regrettant qu’«une population entière (soit) déshumanisée».