Bruxelles

Solidarité à la carte et procédures d’asile accélérées d’application presque immédiate une fois qu’ils auront été approuvés, les cinq nouveaux règlements réformant le système européen d’asileont vocation à accélérer le traitement des demandes infondées, à venir en aide plus vite et plus substantiellement aux pays sous pression ou encore à mieux contrôler qui arrive sur le territoire européen et de quelle manière.

Ces nouvelles dispositions sont par ailleurs créées pour lutter contre l’instrumentalisation des flux migratoires par des États tiers. Alors que l’UE a enregistré cette année 355.000 arrivées irrégulières, les pays dits de première entrée comme l’Italie et la Grèce devront faire plus pour retenir les personnes n’ayant aucune chance de recevoir la protection.

En cas d’afflux massif ou d’instrumentalisation manifeste des migrants, comme ce fut le cas en 2021 à l’initiative de la Biélorussie, ces mêmes pays auront le droit de moins bien les accueillir.

Les États membres s’étaient écharpés en 2015 sur l’obligation, imposée par la Commission Juncker, de relocaliser 160.000 migrants depuis l’Italie et la Grèce, ce qui n’a jamais été fait. L’accord vise à mettre fin à ces psychodrames et laisse à chaque État membre le soin de choisir comment il pourra aider. Il fixe tout de même un objectif de 30.000 relocalisations chaque année, et chaque pays membre qui ne voudra pas accueillir de demandeur d’asile devra payer 20.000 euros par personne concernée.

Un «juste partage» basé sur le PIB et la population sera calculé. Les États membres pourront aussi apporter de l’argent, du matériel ou des ressources humaines pour contribuer à la gestion des frontières extérieures. Certains y voient une porte ouverte aux fonds européens pour des murs antimigrants. La solidarité passera aussi par le fait de ne pas renvoyer les migrants vers le pays de première entrée. La Commission pourra toujours imposer des quotas d’aide si le compte n’y est pas.

Les États membres ont voulu s’assurer que les pays de première entrée contrôlent scrupuleusement qui franchit leurs frontières sans laisser filer les migrants vers les pays voisins. Pendant cinq à sept jours, toute personne, y compris les enfants, sera placée en rétention et soumise à des contrôles de sécurité ou de santé pour dresser rapidement son profil. Elle sera ensuite dirigée soit vers la procédure d’asile normale, soit vers la procédure de retour ou la reconduite à la frontière pour ce qui concerne les personnes ayant peu de chances d’obtenir l’asile.

Une nouvelle procédure à la frontière permettra en six mois – appels compris – de rendre une décision d’asile négative et une obligation de retour simultanée pour les personnes dont la nationalité a un taux de moins de 20% de réponses positives pour l’asile: Turquie, Balkans occidentaux, Géorgie…

Les pays de première entrée devront s’assurer qu’au moins 30.000 lits (et jusqu’à 120.000 chaque année au niveau de l’UE) sont mis à leur disposition dans des centres de rétention en attendant l’examen en urgence de ces demandes. Les familles avec jeunes enfants et les mineurs non accompagnés répertoriés comme «à risque» sont concernés.

Pour refuser une demande d’asile et renvoyer le candidat vers un pays tiers considéré comme sûr, il faudra vérifier qu’il a bien un lien avec celui-ci. L’accord ne dit rien en revanche de la façon d’augmenter les retours.

Que faire des personnes qui arrivent dans l’UE poussées par des pays malveillants? Les États membres pourront appliquer la procédure de placement en détention à la frontière à tous les migrants arrivés de cette façon et les accueillir moins bien que d’autres.

La définition de l’instrumentalisation englobera des pays tiers et tous les acteurs non étatiques hostiles. Elle n’inclut en théorie pas les ONG si elles n’ont pas pour but de déstabiliser l’UE. Pour les situations comparables à celle déclenchée par la guerre en Ukraine en 2022, ou aux afflux massifs de 2015, les pays de première entrée auront des délais allongés pour enregistrer les dossiers. Les autres pays membres devront aussi aider obligatoirement sous forme de relocalisations ou via des mesures alternatives.

Les États membres ont refusé d’étendre de façon systématique le champ d’application du regroupement familial à des ressortissants étrangers qui souhaiteraient réclamer l’asile dans un pays où vit déjà leur frère ou leur sœur.

Le nouveau règlement Dublin ouvre toutefois un critère de diplôme obtenu dans un État membre. Les États membres pourront aussi plus rapidement exécuter des transferts vers le premier pays responsable, sans devoir attendre son feu vert.