C’est la saison. Comme tous les automnes, les squelettes sortent des placards pour orner les pelouses des maisons américaines à la veille d’Halloween. Mais ces dernières années, c’est une course au gigantisme. Home Depot, la chaine de magasins de bricolage, a lancé en 2020 un immense squelette de 3,65 mètres aux yeux bleus fluorescents baptisé «Skelly» qui est devenu un best-seller malgré son prix: comptez 299 dollars (280 euros) pour se le procurer. Plus grand encore que «Skelly», «Jack Skellington» : 4 mètres de haut en costume rayé, inspiré du personnage du dessin animé L’étrange Noel de M. Jack qui chante et danse pour 399 dollars (375 euros). Il y a aussi «The Inferno», un personnage moins «décomposé» avec une sorte de membrane clignotante autour de la poitrine arbore en guise de tête une citrouille. D’autres squelettes vous accueillent en agitant leur mâchoire: «Bienvenue chez moi! Attention à la marche, je ne voudrais pas que vous vous cassiez un os. Mais si ça se produisait, vous pourriez emprunter l’un des miens.»
Il n’y a pas que les squelettes qui ont atteint des tailles vertigineuses. Les dragons et les zombies gonflables sont de plus en plus volumineux. Cette année, les jardins sont envahis de toiles d’araignée apocalyptiques en cordage qui montent jusqu’au toit des maisons et grouillent de bestioles rouges…
Mais incontestablement c’est «Skelly» qui a le plus de succès. Il est de nouveau en rupture de stock. Est-ce parce qu’il a été lancé en pleine pandémie à un moment où les gens s’ennuyaient? La frénésie pour des décorations XXL coincide aussi avec l’explosion d’Instagram et de Tiktok. Les utilisateurs trouvent très drôle de poster des photos de «Skelly» qu’ils emportent en balade à la mer, à leur mariage, leur barmitzvah… Les stars ne sont pas en reste.
Surtout, beaucoup le laissent désormais dans leur jardin à temps plein, car il n’est guère commode à démonter et il faut avoir beaucoup de place pour stocker le tas d’os. Ils le déguisent ainsi selon les saisons : en père Noël, en lapin pour Pâques et en Statue de la Liberté pour le 4 juillet. Cette invasion de squelette ne plaît pas à tout le monde. Dans plusieurs quartiers, l’association de riverains a décidé de les interdire hors Halloween sous peine d’amende. Sans parler des agressions. Parfois, la peur est bien réelle. Dans l’Ohio, des voleurs se sont emparés du bras d’au moins trois squelettes. L’un d’eux s’est effondré dans un entrechoquement d’os terrifiant qui a réveillé tout le voisinage.
Halloween n’a jamais été aussi populaire, si l’on en croit la Fédération nationale de la distribution. 73% des Américains comptent le célébrer cette année contre 69% l’an dernier. Cet enthousiasme est dû en partie au fait que cette fête traditionnellement réservée aux enfants attire aujourd’hui tous les âges. Même les animaux de compagnie s’y mettent. Les ventes de déguisements pour chien en citrouille et hot dog devraient s’élever à 700 millions de dollars. Quant à celles pour adultes, elles sont désormais supérieures à celles pour les enfants. Parmi les tenues à la mode cette année, Barbie et Ken, accessoirisés façon zombie.
Les distributeurs l’ont bien compris. Ils mettent sur le marché leurs nouveautés dès l’été. Les dépenses pour Halloween devraient atteindre cette année un record de 12,2 milliards de dollars, en hausse de 15% par rapport à 2021, selon la Fédération. Soit un budget par tête de 108 dollars! «Plus d’Américains que jamais vont dépenser un montant record pour célébrer Halloween», a résumé Matthew Shay, le président. Et cela en dépit de la forte inflation. Le prix des bonbons a augmenté de 7,5% par rapport à l’an dernier et de 20% comparés à 2021, en raison notamment de la hausse du tarif du sucre et du cacao.
Le plus effrayant pour les amateurs de squelettes, c’est la rumeur persistante qui murmure qu’Home Depot pourrait cesser la production de Skelly et le renvoyer dans sa tombe. La chaîne de grands magasins ne les a guère rassurés. «Je sais qu’il y a des rumeurs sur la mise à la retraite de Skelly mais nous n’avons pas pris de décision encore», a déclaré la porte-parole. «À suivre l’année prochaine.»