Il n’avait encore jamais parlé. Alex Batty, le Britannique de 17 ans retrouvé par hasard, la semaine dernière, près de Toulouse, après avoir disparu pendant six ans, s’est confié au Sun ce vendredi 22 décembre. Celui qui a été placé sous protection jusqu’à sa majorité a admis avoir menti sur certains détails de son périple, entre Aude et Ariège.
«J’ai menti pour essayer de protéger ma mère et mon grand-père mais je me rends compte qu’ils vont probablement se faire prendre de toute façon», a-t-il déclaré auprès du tabloïd anglais. «J’ai fait comme si j’avais fait un si long voyage pour cette raison», a-t-il précisé. Une dispute avec sa mère, Melanie, qui l’avait enlevé il y a six ans – elle n’en avait pas la garde -, a provoqué le départ du jeune homme il y a deux semaines. Ce dernier avait en réalité mûrement réfléchi sa fuite, et n’était pas perdu, contrairement à ce qu’il a certifié aux autorités. «Je ne me suis pas perdu. Je savais exactement où j’allais».
Selon les informations du Figaro récoltées sur place auprès d’anciens proches d’Alex Batty, le jeune homme était plus proche de son grand-père, David – surnommé Peter dans l’Aude et l’Ariège -, que de sa mère. Pendant les deux dernières années, l’adolescent a vécu avec lui dans le petit village de Camps-sur-l’Agly, dans un gîte tenu par un couple de Belges. Il y pratiquait le «woofing», en travaillant sur place à la cuisine, au ménage et aux travaux, en échange du logement. Un dur labeur quotidien pour un jeune âgé de 14-15 ans, dénoncé par plusieurs témoins. Sa mère, qui se faisait appeler Rose, ne vivait pas au gîte. Elle voguait d’éco-lieux en communautés spirituelles, cherchait à s’implanter localement voire à diriger un groupe. Et, parfois, son fils la rejoignait pour quelques jours ou semaines. «Elle n’avait pas bonne réputation», souffle un local, qui a connu la famille. Ce train de vie chaotique, Alex l’a finalement refusé.
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«Se déplacer. Pas d’amis, pas de vie sociale. Travailler, travailler, travailler et ne pas étudier. C’est la vie que j’imaginais mener si je restais avec ma mère», a également détaillé le jeune britannique, originaire d’Oldham près de Manchester. S’il a insisté sur l’aspect «travail» dans ses déclarations au tabloïd anglais, c’est à dessein.
Outre les suspicions de travail dissimulé au sein du gîte de la Bastide – le woofing est censé être très temporaire, mais Alex est resté près de deux ans -, des proches de l’adolescent confient au Figaro que sa mère avait tendance à «exploiter» son fils et son père. «David et Alex lui payaient une pension tous les dimanches contre des travaux, mais ce sont eux qui faisaient les travaux», souligne l’un d’eux. Alex, lui, «donnait de l’argent régulièrement» à sa mère qui avait pour habitude de le «gaspiller».
Il y a plusieurs années, après avoir perdu son emploi d’avocate, Melanie Batty est devenue instable et a, selon nos informations, sombré dans la drogue. À tel point qu’elle a perdu la garde de son fils au profit de sa propre mère, Susan. «Je ne saurais pas ce qui allait se passer dans mon avenir si j’étais resté avec ma mère», a constaté Alex auprès du Sun.
Autre élément sur lequel Alex a menti à la police : la mort de son grand-père, qui aurait eu lieu il y a six mois. Il a même affirmé avoir participé à une cérémonie à base de méditation pour lui rendre hommage. Des propos qui, lors de nos investigations sur place, se sont révélés faux, les gérants du gîte de la Bastide nous ayant assuré que le septuagénaire vivait encore chez eux il y a quelques jours. Au Sun, Alex a confirmé qu’il avait vu son grand-père pour la dernière fois le 9 décembre. Pour le protéger et qu’il ne soit pas arrêté pour enlèvement, son petit-fils l’a donné pour mort.
Les deux s’entendaient très bien, d’autant que le père d’Alex est parti du domicile familial lorsqu’il avait 2 ans. «Il n’a aucun souvenir de son père. David le protégeait, notamment de sa mère», se souvient un proche auprès du Figaro. Selon Alex, son grand-père «n’arrêtait pas de répéter à chaque fois que »la raison pour laquelle je suis venu avec toi, c’est pour pouvoir m’assurer que tu es heureux et en bonne santé avec un toit au-dessus de ta tête »». Ce même proche nous décrit le septuagénaire comme tel : «C’est un ancien alcoolique, qui a été un peu bagarreur dans sa vie. Mais aujourd’hui il est très calme, très posé, et il n’est pas méchant au fond. En revanche, le départ de son petit-fils pourrait le faire replonger».
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Dans les confidences d’Alex Batty, un autre élément interpelle : les croyances de sa mère. Il la décrit comme «très anti-gouvernementale et anti-vax». Elle était «contre» l’idée que son fils revienne en Angleterre. «Elle craignait que si je retournais dans un pays et récupérais ma carte d’identité, je sois pris en charge. Son slogan était que j’allais devenir »esclave du système »», a-t-il détaillé. Cette dérive conspirationniste apparaît chez de nombreux groupes marginaux ou spirituels qui sévissent dans l’Ariège et la Haute vallée de l’Aude. David, bien que proche d’Alex, a amorcé ce tournant dans sa vie il y a une dizaine d’années. Son compte Facebook en atteste. Sa photo principale représente un masque de Guy Fawkes, popularisé par le collectif de hackeurs Anonymous. Une question y est apposée : «Est-ce ce que tu penses ou ce qu’ils veulent que tu penses ?».
Les publications de David commencent en 2011 et s’intensifient à partir de 2013. David semble même avoir fait partie d’une communauté ; un jour, il poste après un événement organisé chez lui : «Ce n’est pas votre argent que je cherche, contrairement au système actuel d’esclavage de la dette dans lequel nous vivons actuellement». David dérive progressivement en critiquant la police, les banques, évoquant l’imminence de la troisième guerre mondiale ou encore les… micro-ondes dont les ondes pourraient permettre de «contrôler notre cerveau». Fin 2013, il semble être en proie à des problèmes d’impayés. «J’ai peur de ne pas pouvoir me conformer, je sais que c’est la norme de « payer », mais je ne souhaite plus jouer», écrit-il. Pour ces arriérés, il reçoit un avis de mandat pour une arrestation, mais revendique une «vendetta».
David Batty réapparaît fin 2015, avec des publications toujours plus tendancieuses, tombant même dans une des rhétoriques les plus populaires chez les complotistes : les réseaux pédophiles et les enfants volés.
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Cette dérive conspirationniste a-t-elle incité Melanie et David Batty à enlever Alex, face à un monde qui leur paraissait hostile et dangereux, dans lequel les élites les manipulent ? Si c’était le cas, cette affaire ressemblerait sur certains points à celle de la petite Mia, 8 ans, enlevée par trois hommes dans les Vosges le 13 avril 2021. La mère de la petite fille est soupçonnée d’avoir commandité ce rapt pour récupérer sa fille qui avait été placée chez sa grand-mère. Elle aurait bénéficié de l’aide du complotiste Rémy Daillet-Wiedemann. Dans le cas d’Alex Batty, sa mère a-t-elle eu le même type d’impulsion en enlevant son fils ? Les déclarations du jeune Alex semblent aller dans ce sens, mais les mystères demeurent nombreux.