«Souvent, la Biennale a été considérée par la gauche comme un fief dans lequel placer amis et acolytes. Buttafuoco, enfin, affirme un changement de rythme que le gouvernement Meloni veut imprimer dans chaque centre culturel et social de la nation : uniquement des personnalités choisies pour leur profondeur, leur compétence et leur autorité», s’est réjoui le sénateur vénitien du parti Fratelli d’Italia Raffaele Speranzon, jeudi 26 octobre, dans une note ministérielle révélée par la presse transalpine et relayée par nos confrères du Huffington post.

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Ces propos concernent la désignation, par le ministre de la Culture Gennaro Sangiuliano, de Pietrangelo Buttafuoco, soutien affiché de Giorgia Meloni, à la tête de la Biennale de Venise qui gère également la Mostra. Ce qui fait monter une certaine crainte, notamment des élus de gauche. «Les propos de Speranzon sur la nomination de Buttafuoco à la présidence de la Fondation de la Biennale de Venise font ressortir une vision effrayante de la façon dont la droite conçoit les institutions culturelles de notre pays», a notamment déclaré la députée de gauche Rachele Scarpa. Des propos corroborés par Irène Manzi, du Parti démocrate, qui soulignent la mainmise du gouvernement de Giorgia Meloni sur la culture : «Aujourd’hui la droite a fait un pas de plus dans la conception de l’État comme propriété. Son assaut sur les institutions culturelles du pays est vraiment inquiétant.»

L’enthousiasme de la nomination de Pietrangelo Buttafuoco a été en revanche partagé par le Président de la Vénétie, Luca Zaia, membre de la Ligue du Nord : «Je remercie le Ministre Gennaro Sangiuliano pour la nomination et la grande attention portée à la Fondation et à toutes les questions concernant Venise. La présidence joue un rôle important dans l’orientation et le soutien de la Biennale, en particulier pour son rôle clairvoyant de promotion de l’art et de la culture dans des domaines qui n’ont pas encore été explorés.»

Le journaliste et écrivain sicilien, né en 1963 à Catane, prendrait ses fonctions en mars 2024, date qui marque la fin du mandat de Roberto Cicutto, «afin de garantir la continuité institutionnelle nécessaire et une passation de pouvoir progressive et ordonnée», ont précisé des sources proches du ministère de la Culture. La nomination proposée de Pietrangelo Buttafuoco doit encore être soumise à l’avis, consultatif, des commissions culturelles de la Chambre et du Sénat. Mais pour la presse italienne, l’affaire est déjà entendue.

En vertu d’un vaste jeu de chaises musicales, le gouvernement Meloni, cherche à placer certains de ses affidés à la tête notamment de la radio-télévision d’État ou de prestigieuses institutions publiques. Ses opposants y voient la volonté de l’exécutif italien de contrôler le service public de la culture. En mai dernier, Carlo Fuortes, l’administrateur délégué de la Raï, a ainsi justifié son départ par les pressions qu’exerceraient sur lui ses autorités de tutelle.

Avant d’arriver à la Raï, ce même Fuortes a été à la tête du Théâtre de l’Opéra de Rome. Et le gouvernement aurait envisagé de lui attribuer un placard doré en lui donnant la direction de l’Opéra de Naples. Un Conseil des ministres a adopté d’emblée plusieurs décisions, dont une mesure aussitôt baptisée par les médias «l’article Fuortes» : elle impose à tous les directeurs de théâtres lyriques ayant plus de 70 ans de quitter leur poste au plus tard le 10 juin. Stéphane Lissner, le directeur français de l’Opéra de Naples, concerné par cette décision a été révoqué et son départ a permis de recaser Carlo Fuortes. Or, selon les informations de Radio France, ce décret a été invalidé, en septembre dernier, par le tribunal de Naples, le jugeant «illégitime» et «anticonstitutionnel». Le prestigieux théâtre napolitain s’est ainsi retrouvé, ce qui est plutôt ballot, avec deux patrons.