Le renversement des forces n’a finalement pas eu lieu. Annoncées comme favorites pour le titre mondial, la France et l’Irlande ont trébuché en quarts de finale, dès le premier match éliminatoire. Et les deux équipes qui ont mis fin à leurs rêves de premier titre planétaire – l’Afrique du Sud et la Nouvelle-Zélande – n’ont, elles, pas tremblé pour se hisser en finale. Cadors du Sud habitués aux grands rendez-vous, maîtres de leurs nerfs et de leur rugby. Si le soufflé est violemment retombé en France après l’élimination des Bleus de Fabien Galthié, cette finale explosive, véritable guerre des étoiles, promet d’enflammer une dernière fois le Stade de France ce samedi soir pour ce 48e match clôturant sept longues semaines de compétition.
Un classique du rugby mondial, une apothéose entre deux mastodontes : les deux équipes les plus titrées – trois sacres chacune – en quête d’une quatrième couronne. Le capitaine des Boks, l’emblématique Siya Kolisi, a des étoiles plein les yeux : « C’est le summum. Je pense que ça va être le plus grand match de ma vie. Je crois que c’est impossible de rêver mieux. Ça n’arrive qu’une fois dans une vie d’avoir deux équipes comme ça. » Si les deux nations se sont déjà croisées cinq fois en Coupe du monde, ce sera seulement la deuxième fois en finale, après le premier sacre des Sud-Africains, à domicile, en 1995, devant un Nelson Mandela fraîchement élu président et face à des Blacks… diminués après une intoxication alimentaire (15-12 a.p.).
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Presque trois décennies plus tard, le poids de l’histoire reste présent. Deux cultures rugby bien marquées se font face. Après deux saisons dans le creux de la vague, avec des revers douloureux à domicile face à l’Irlande et à l’Argentine, les Néo-Zélandais ont su retrouver leur efficacité légendaire et leur rugby total. Sauf que se dressent face à eux leurs meilleurs ennemis, ceux qui leur tiennent le plus souvent tête. Une force bestiale symbolisée par ce banc des remplaçants – avec sept avants pour un seul arrière – qui n’a pas d’équivalent.
Même s’ils sont passés par un trou de souris en quarts face aux Bleus (29-28) puis en demi-finale face à l’Angleterre (16-15), les Boks ne doutent jamais. C’est dans leur ADN. Du jeu frontal devant, délicieusement brutal, une équipe quasiment intégralement renouvelée autour de la 50e minute, mais aussi des piques assassines avec leur triangle arrière électrique. La dernière fois que les « hommes en noir » avaient croisé la route des Sud-Africains, fin août, en match de préparation à Twickenham, ils avaient subi une humiliation : la plus lourde défaite de leur histoire (7-35).
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Depuis, Kiwis et Boks sont montés en puissance, s’appuyant sur leurs points forts traditionnels. La Nouvelle-Zélande tentera d’imposer du rythme et du jeu, quand l’Afrique du Sud programmera un pénible essorage de 80 minutes. Les fortes pluies annoncées ce samedi soir sur Saint-Denis pourraient faire le jeu, plus restrictif, des champions du monde sortants. Mais les All Blacks sont prêts, à en croire leur ouvreur Richie Mo’unga : « Cette semaine, il fallait ne rien laisser au hasard. Il s’agit de se préparer mentalement autant que physiquement. Là où l’esprit va, le corps suit. » Tout donner. Corps et âme.