Fin octobre, le moustique tigre continue de prospérer dans l’Hexagone. Après une année 2022 marquée par un nombre record de cas de dengue en métropole, les experts s’attendent à un bilan 2023 comparable et incitent à se préparer à une menace croissante. Outremer, les Antilles sont en phase épidémique depuis mi-août, et les autorités sanitaires surveillent les profils à risque de formes graves, notamment les patients atteints de drépanocytose. Cette épidémie a contribué à un nombre déjà record de cas de dengue importés dans l’Hexagone avec plus de 1300 jusqu’à maintenant.
La dengue est une maladie infectieuse vectorielle, qui se traduit par une forte fièvre avec, dans de rares cas, une évolution vers une forme plus grave provoquant notamment des saignements. Les décès sont toutefois très rares (environ 0,01% de l’ensemble des cas). La pathologie est causée par un virus (l’agent infectieux) transporté par des insectes (les vecteurs) comme des moustiques du genre Aedes.
Au 1er janvier 2023, l’Aedes albopictus (nom scientifique de l’insecte), reconnaissable à ses rayures noires et blanches, avait colonisé 71 départements, un nombre en constante augmentation depuis son installation dans l’Hexagone en 2004, et avait été à l’origine de 65 « cas autochtones » de dengue dans le sud de la France. Ces cas désignent des patients qui n’ont pas voyagé dans des zones où le virus circule largement comme les Antilles, mais ont été piqués par un moustique lui-même infecté au contact d’un voyageur contaminé. Cette année, la tendance s’annonce « assez semblable», avec une quarantaine de cas autochtones comptabilisés pour le moment et une saison qui n’est pas encore terminée, indique Marie-Claire Paty, coordinatrice de la surveillance des maladies à transmission vectorielle à Santé publique France.
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Pour la première fois, un cas autochtone a été recensé en Île-de-France en octobre, à Limeil-Brévannes (Val-de-Marne), à une quinzaine de kilomètres au sud-est de Paris. Ces cas étaient jusqu’alors observés dans des régions du sud, au climat a priori plus favorable au moustique tigre. «Il s’agit du cas le plus au nord de la France, et même de l’Europe, jamais recensé», a précisé le Dr Marie-Claire Paty à l’AFP.
L’expansion vers le nord du moustique tigre est favorisée par le réchauffement climatique : plus il fait chaud, plus le cycle de développement du moustique se raccourcit. La vitesse de multiplication du virus à l’intérieur de l’insecte augmente elle aussi, sous l’effet de la température. Mais ce sont les voyages et les comportements humains qui le font entrer sur le territoire. Les autorités sanitaires vont ainsi devoir redoubler de vigilance pendant les Jeux olympiques 2024, qui favoriseront, en pleine saison estivale, le brassage de populations. « C’est un des risques anticipés, on s’y prépare », assure le Dr Paty.
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Cette année, un autre virus a surpris les autorités sanitaires : celui du Nil occidental (West Nile en anglais), transporté par les oiseaux et transmis aux humains par les moustiques du genre «Culex», une espèce distincte du moustique tigre. Une quarantaine de cas ont été identifiés en Nouvelle-Aquitaine alors que, jusqu’à présent, seul le pourtour méditerranéen était concerné.
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Comment expliquer la colonisation de ce nouveau territoire ? « On pense que les changements climatiques pourraient modifier les couloirs de migration aviaires », avance Yannick Simonin, enseignant chercheur en virologie à l’université de Montpellier. Si la majorité des cas sont asymptomatiques, 20% des personnes infectées présentent un syndrome pseudo-grippal. Des complications neurologiques surviennent dans moins de 1% des cas, notamment chez des personnes immunodéprimées ou âgées, et peuvent même conduire au décès.
Globalement, «on reste sur des niveaux assez bas, mais force est de constater que la tendance à la hausse de la circulation des virus transmis par les insectes depuis quelques années s’accélère dans l’Hexagone, tous les experts s’attendent à une hausse régulière du nombre de cas», prévient Yannick Simonin. « Cela implique de se préparer en adaptant nos réseaux de surveillance». «C’est une menace qui ne va pas s’éteindre, elle est appelée à augmenter», confirme Marie-Claire Paty.