Les travailleurs de l’industrie textile au Bangladesh se soulèvent. Depuis la semaine dernière, des milliers d’ouvriers battent le pavé pour exiger une hausse du salaire minimum de 8 300 takas (70 euros) à 23.000 takas (190 euros), soit près de trois fois plus. Selon la police de Gazipur, située à 50 km de la capitale, Dacca, près de 250 usines de confection ont fermé après de violentes manifestations. Des dizaines d’entre elles auraient été saccagées et vandalisées.

« Comment pouvons-nous passer le mois quand nous devons déjà débourser de 5 000 à 6 000 takas juste pour le loyer d’une maison d’une pièce ? », exulte une manifestante auprès de l’AFP. « Les salaires ne peuvent plus couvrir la hausse des dépenses alimentaires », renchérit Al Kamran, responsable syndical dans la ville industrielle d’Ashulia, au centre du pays, où quelque 15.000 personnes sont descendues dans la rue. L’inflation pèse lourdement sur la population. Un kilo de pommes de terre se vend aujourd’hui 70 takas et 1 kilo d’oignons 130 takas, contre respectivement 30 et 50 takas l’an dernier.

Deuxième exportateur mondial de vêtement derrière la Chine, le Bangladesh compte 3 500 usines et 4 millions de travailleurs. Fournisseurs de grandes entreprises occidentales, comme Gap, H

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La colère des ouvriers a explosé après que la puissante association des fabricants et exportateurs de vêtements (BGMEA), représentant les propriétaires d’usines, a proposé une augmentation des rémunérations de seulement 25 %. « Avec, à la tête de l’association, des ministres, eux-mêmes propriétaires d’usines », souligne Salma Lamqaddam, chargée de campagne à l’ONG Action Aid. Derrière les hausses de salaires se joue la rude compétition avec le rival chinois – le salaire minimum s’élevant à 200 euros dans l’empire du Milieu. Les chiffres impressionnants de l’industrie textile cachent l’extrême dureté des conditions de travail d’une main-d’œuvre historiquement surexploitée. Le salaire minimum est l’un des plus bas au monde au Bangladesh pour le secteur, malgré des augmentations au fil des ans suite à de fortes mobilisations, en 2006, 2016, ou 2018.

Pour satisfaire la demande croissante de produits textiles, les ouvriers sont confrontés à des semaines « autour de 65 heures à 72 heures de travail », selon Salma Lamqaddam. Les usines sont régulièrement critiquées pour leur dangerosité, en atteste l’effondrement du Rana Plaza, en 2013, qui a coûté la vie à 1 100 personnes. Au-delà des incendies et des effondrements de bâtiments qui sont des menaces constantes, de nombreux travailleurs sont exposés à des risques chimiques nocifs et sans protection adéquate, décrient les syndicats, qui n’ont qu’une influence très modérée. Le mouvement n’est pas sans connexion avec le contexte politique. Le parti d’opposition est accusé d’attiser les manifestations au moment où de violents rassemblements antigouvernementaux secouent le pays, en amont des élections prévues fin janvier.