À défaut de disposer d’une tête de liste pour les élections européennes, le camp Macron accélère ses manœuvres en coulisses. Lundi soir, la formation du chef de l’État, Renaissance, a acté une série de principes en vue du scrutin du 9 juin. Parmi eux, l’installation d’une commission nationale d’investiture d’ici à la fin de l’année, le lancement d’un appel à candidatures ainsi que la mise en place d’une campagne d’adhésions et d’une consultation des militants sur l’Europe. «On met de l’essence dans le réservoir, mais on n’a pas encore allumé le moteur», résume le porte-parole de Renaissance, Loïc Signor.
L’état-major macroniste souhaite occuper l’espace, en attendant la désignation d’un chef de file. Pas avant 2024, a décidé Emmanuel Macron. «Le moment venu», a indiqué lundi sur France Inter Élisabeth Borne. Faute de pouvoir vanter le profil d’un meneur de liste, la première ministre a défendu la ligne répétée en boucle dans ses rangs: «Renaissance sera le seul bulletin clairement proeuropéen». Contre un Rassemblement national (RN) «favori» du scrutin, le parti présidentiel doit se mobiliser «dès maintenant», a-t-elle insisté lundi soir devant son bureau exécutif.
Le chef de Renaissance, Stéphane Séjourné, entend porter ce message de plus en plus fort à mesure que l’élection se rapproche. Tout en justifiant de prendre son temps par rapport aux partis de gauche, au RN et à Reconquête!, déjà dotés de têtes de liste. «Je ne veux pas tomber dans le piège des oppositions, qui est de parler de sujets nationaux huit mois avant» le scrutin, explique le patron du groupe Renew au Parlement européen, cité comme un potentiel meneur de la liste, tout comme le commissaire européen au Marché intérieur, Thierry Breton.
Ce calendrier est toutefois jugé trop tardif par plusieurs membres de Renaissance, comme l’eurodéputé Bernard Guetta et Gérald Darmanin. Le ministre de l’Intérieur plaide pour une entrée en campagne d’ici à la fin de l’année. «Les européennes doivent être la clé de notre bataille, avance-t-il en privé. C’est notre élection de “midterms”. Elle nous permet de nous positionner en frontal avec le RN et de donner de l’élan au président.»
D’ici à la fin de l’année, les dirigeants des trois formations de la majorité, Stéphane Séjourné, François Bayrou et Édouard Philippe, doivent s’entretenir de cette échéance. Charge à eux et à leurs délégués – Franck Riester, Marc Fesneau et Pierre-Yves Bournazel – de se répartir des quotas de places, parmi la vingtaine de candidats jugés éligibles sur une liste de 81 noms. Ensuite, chaque formation aura à présenter le profil de ses prétendants. «Il faut trouver un point d’équilibre», dit le vice-président du MoDem, Marc Fesneau, par ailleurs ministre de l’Agriculture.
Les stratèges de la majorité devront dissiper plusieurs interrogations: «Est-ce que les sortants seront automatiquement reconduits? Quelle place accorder aux nouveaux? Quel rapport de force dans la majorité?», énumère l’un d’eux. Un exercice périlleux en perspective: la plupart des 23 élus sortants aimeraient briguer leur succession, les appétits des philippistes d’Horizons s’aiguisent et une alliance avec les centristes de l’UDI est envisagée.
Il s’agit aussi de parler au cœur de cible de l’électorat proeuropéen et de répliquer en priorité au RN, juge-t-on en interne. Manière de convaincre les électeurs pro-Macron en priorité, plutôt que d’essayer d’en ravir de nouveau. Ce scrutin est d’abord une «élection de mobilisation», rappelle l’eurodéputé (Horizons) Gilles Boyer.
Hors micro, plusieurs hauts gradés de la majorité s’inquiètent de se voir distancés par le RN le soir du 9 juin. Dans un récent sondage Ifop-Fiducial pour Le Figaro et Sud Radio, Stéphane Séjourné et Thierry Breton ont chacun été crédités de 20 % des intentions de vote, 8 points derrière le lepéniste Jordan Bardella (28%). À ce stade, «on n’est pas sur une logique de vote sanction», observe le directeur général de l’Ifop, Frédéric Dabi.
Mais les macronistes rêvent de se hisser plus haut. En 2019, avec 22,42 % des voix, ils avaient talonné le RN (23,34 %), mais avaient finalement obtenu le même nombre d’élus. Cette fois, le projet est plus ambitieux, à entendre Édouard Philippe, le 15 septembre à Angers (Maine-et-Loire): «Notre objectif doit être de gagner ces élections européennes.»