Cela devait bien arriver un jour. Dans un rapport sur le domaine de Versailles, la Cour des comptes se penche sur le statut de sa présidente,Catherine Pégard. La situation de cette dernière, estiment les magistrats, «est inédite». Elle «pourrait même être assimilée à une forme de détournement de pouvoir, où l’absence de désignation d’un successeur depuis déjà plus de vingt-sept mois résulte d’une carence qui traduit de la part de l’État sinon une volonté délibérée de l’État, du moins un manque d’anticipation».
Nommée par décret en 2011, la présidente a exercé trois mandats, soit le maximum autorisé par les textes (cinq ans, reconductible par périodes de trois ans). Depuis mars 2021, elle est en «intérim» de son propre poste et ce, en dépit du fait qu’elle ait atteint la limite d’âge de 67 ans.
«En l’absence de désignation d’un successeur depuis le 5 mars 2021, la situation actuelle pourrait être assimilée à un quatrième mandat, non autorisé par les statuts de l’établissement. Une telle situation est inédite dans le champ des établissements publics culturels», souligne la Cour.
Bien que la décision autour de son remplacement éventuel – ou de son maintien envers et contre tout- soit entre les mains d’Emmanuel Macron, la Cour conteste «la position du ministère de la Culture» qui «soutient que le nombre cumulé des mandats de Catherine Pégard ne dépasse pas celui prévu dans le décret statutaire». Ce qui, à ses yeux, «paraît difficilement soutenable«.
Plus grave, les magistrats relèvent que «les décisions que la présidente de Versailles prend, ainsi que celles déléguées à ses directeurs, pourraient être contestées devant les tribunaux, notamment en matière d’engagement de la dépense». Pour l’instant, ce n’est pas complètement avéré. Le château de Versailles a eu maille à partir avec l’un de ses conservateurs, qui organisait des visites privées du monument, moyennant rémunération. Mis à pied, sommé de rembourser et de quitter son appartement de fonction, le conservateur avait fait appel devant le tribunal administratif de Versailles. Or, ce dernier a ordonné sa réintégration: non pas au motif que la présidence de Versailles ne pouvait prendre légalement de décision, mais parce qu’il jugeait la sanction disproportionnée. Le conservateur a tout de même dû quitter son appartement de fonction, situé dans l’aile des ministres du château de Versailles.
La balle est dans le camp de la Présidence de la république, qui a la haute main sur la nomination à la tête de l’établissement. Selon nos informations, Emmanuel Macron aurait récemment proposé la succession de Catherine Pégard à un haut fonctionnaire de la Culture. Ce dernier aurait hésité avant de finalement décliner. En attendant, le château et le domaine avancent, avec une épée de Damoclès autour de leur tête.