À l’école de la sobriété énergétique, l’immobilier figure rarement au premier rang. Pourtant, ses résultats sont encourageants. En 2022, la consommation d’énergie moyenne des bâtiments français a baissé dans la plupart des secteurs, révèle l’index EGS 2023 de Deepki, dévoilé en exclusivité par le Figaro. Il s’agit de la deuxième édition de cette étude de marché, premier benchmark européen accessible au public mesurant la performance environnementale de l’immobilier avec des données réelles. Elle donne la valeur de la consommation d’énergie et des émissions de CO2 pour la moyenne des bâtiments ainsi que les 15% et les 30% les plus performants, pour différentes typologies du secteur immobilier commercial (bureaux, santé, logement, commerce, hôtels et logistique) au Royaume-Uni, en France, en Allemagne, au Benelux, en Italie et en Espagne. Et si les conclusions laissent voir une amélioration encourageante, la route est encore longue pour atteindre l’objectif de zéro émission carbone en 2050.

Sur les cinq secteurs analysés en Europe, le seul à consommer davantage d’énergie est l’hôtellerie. Les bâtiments hôteliers ont vu leur consommation énergétique augmenter de 5,3% par rapport à 2021. Selon Vincent Bryant, ingénieur et co-fondateur de Deepki, «cette unique hausse est représentative de la reprise d’activité qu’à connu le secteur hôtelier en 2022, après le passage à vide du Covid 19». En tout cas, la mauvaise performance du secteur d’un point de vue environnemental «devrait encore renforcer la motivation des acteurs pour s’améliorer. Des bâtiments trop énergivores peuvent rapidement perdre de la valeur ou provoquer le désintéressement des investisseurs et des clients». L’index pointe notamment du doigt les hôtels de luxe, «principaux contributeurs à la consommation du secteur, en raison de la nature des services offerts», affirmant que les «propriétaires doivent trouver de nouvelles solutions moins énergivores pour maintenir le même niveau de services». Pourtant, avec une consommation moyenne de 198 kWH par mètre carré, les bâtiments hôteliers sont loin d’être les plus énergivores. Le secteur est bien le seul à ne pas s’améliorer mais n’est que le troisième consommateur d’énergie.

Sur la deuxième marche du podium, les bâtiments de santé, avec une consommation moyenne de 208 kWH/m2. Mais ce secteur médaillé d’argent s’illustre quand même par une diminution de 7,2% de sa consommation énergétique. Le bonnet d’âne revient au commerce. Et le secteur écope d’une double mauvaise note. D’une part, il est le secteur aux bâtiments les plus énergivores avec 224 kWH/m2. D’autre part, il est celui qui s’est le moins amélioré par rapport à 2021, avec une baisse de la consommation énergétique de seulement 0,5%.

Les secteurs qui s’en sortent le mieux sont les bureaux (134 kWH/m2 soit -6,3%), la logistique (100 kWH/m2, soit -10%) et les logements (183 kWH/m2 soit -11,2%). De bonnes performances que Vincent Bryant explique par la combinaison «des effets du climat, plus en 2022, et des coûts de l’énergie, plus élevés en 2022».

À lire aussiPassoires thermiques : quand les travaux de rénovation sont impossibles

À l’échelle européenne, «la France fait plutôt partie des très bons élèves», rassure le co-fondateur de Deepki. «À bien des égards, elle fait partie des meilleurs, des pays le plus avancés en matière d’efforts faits pour réduire l’empreinte environnementale et climatique de l’immobilier». En effet, «le cadre réglementaire mis en œuvre est très contraignant, preuve des ambitions beaucoup plus grandes en France qu’en Allemagne ou qu’en Espagne», avance-t-il. Pour lui, l’initiative de la Direction immobilière de l’État – un des clients de Deepki – de mesurer sa consommation énergétique et d’investir pour la réduire est une exception française.

Pourtant, «être en avance ne signifie pas que l’on puisse se reposer sur nos lauriers». «Nous sommes très, très loin d’atteindre les objectifs de 2050. On constate des efforts d’intensification faits par tous les acteurs du secteur immobilier, mais on ne va pas assez vite», explique Vincent Bryant. Pour sortir de cette inertie systémique, «il faudrait mettre les bouchées doubles sur la création d’emplois qualifiés». Rien qu’en France, le spécialiste chiffre à 300.000 le nombre d’ouvriers du bâtiment compétents en rénovation / construction énergétique nécessaire. Pour lui, «Il y a une énorme différence entre une paire de bras, et une paire de bras qui sait faire. Poser une fenêtre et poser une fenêtre qui respecte l’isolation thermique sont deux métiers différents». En plus de cela, la question des matériaux reste cruciale. Outre les matériaux de construction, «la production d’équipements de pointe comme les pompes à chaleur et les panneaux solaires doit être relocalisée. Il est impossible de construire un bâtiment vert si on doit attendre douze mois pour un équipement clé». Et que ce soit l’effort mis sur la main-d’œuvre ou sur l’industrie, «l’économie locale s’en verra ragaillardie», sourit Vincent Bryant.