«La pression commence à monter, c’est vrai». Nouvelle directrice des opérations de la chaîne Courtepaille, Marlène Vélé ne cache pas son stress en cette veille de week-end. L’enseigne, reprise en juin par le groupe La Boucherie, inaugure ce vendredi son nouveau menu dans près de 80 restaurants. Andouillette, travers de porcs, pièces de bœuf… La chaîne a choisi la voie de la continuité pour renouer avec sa clientèle historique.

«C’est un retour aux sources», reconnaît fièrement Marlène Vélé. Comme le laissait présager le projet de reprise présenté quelques mois plus tôt par le groupe angevin, l’offre du nouveau restaurant est recentrée autour de la viande. «Il nous a semblé essentiel de renouer avec ce qui a fait la force des premiers Courtepaille, à savoir la cuisson au grill devant les clients», explique la responsable. Les dirigeants de l’enseigne ont également jugé bon de resusciter certains classiques, trop vite éclipsés ces dernières années. «La salade de bienvenue, par exemple. Cela peut sembler anecdotique, mais cela joue beaucoup pour les clients les plus fidèles…»

En sauvant in extremis la chaîne mythique de la faillite, le groupe La Boucherie a veillé à ne pas réitérer les erreurs de ses prédécesseurs. Celles de Napaqaro (Buffalo Grill), en particulier. Propriétaire de la chaîne de 2020 à 2023, le groupe s’était aliéné une partie des clients historiques en supprimant certains fondamentaux de la carte et en rognant sur la qualité des plats. «Notre avons pris soin de proposer des produits de qualité, en lien direct avec les producteurs», soutient Marlène Vélé. Désormais, les fameuses pièces de bœuf Courtepaille – très appréciées du Président de la République – seront «sourcées» chez un fournisseur historique du groupe, à Brive-la-Gaillarde.

«Même si nous ne commandons pas les mêmes produits pour tous les restaurants du groupe, nous avons la chance de pouvoir massifier les commandes», reconnaît la directrice des opérations. Ces économies d’échelle, réalisées avec les autres enseignes de la Boucherie, ont permis au groupe de proposer une politique tarifaire plus que compétitive. «Les prix du nouveau menu sont moins élevés que ceux pratiqués par Courtepaille ces dernières années», soutient Marlène Vélé. Pour les plus pressés, l’enseigne mise sur une formule à 12,50 euros, et pour ceux qui le sont moins, sur une formule complète à 24,90 euros. Un «menu adolescent» a fait son apparition, en plus du traditionnel menu enfant. «Ces formules doivent permettre à Courtepaille de renouer avec les familles, y compris celles qui ont un budget contraint». Fini, en revanche, les promotions agressives dont Napaqaro s’était fait le spécialiste. «Mieux vaut fidéliser les clients sur le long terme avec des prix attractifs», estime la responsable.

Pour y parvenir, La Boucherie n’a pas hésité à rogner légèrement sur ses marges. Le groupe a également baissé les redevances des restaurants franchisés à 3,5%, et ce, pendant 18 mois. «Le temps de redonner un peu de souffle aux restaurants…», souligne la direction. Car le premier enjeu reste le retour des clients dans les auberges coniques. Le groupe s’est fixé pour objectif de retrouver le niveau de fréquentation d’avant-Covid, sachant qu’au moment de la mise en vente par Napakaro, la fréquentation des restauroutes était toujours en recul de 25% par rapport à 2020. Outre son nouveau menu, La Boucherie compte sur un rafraîchissement des restaurants (prévu dès l’année prochaine) et un service repensé pour remporter son pari.

Certains observateurs ont toutefois du mal à cacher leur scepticisme. «Proposer des produits de qualité, en lien direct avec les producteurs, c’est très bien, mais à ces prix-là, qui y croira ?», s’interroge Bernard Boutboul, consultant en restauration et fondateur de Gira Conseil. Pour ce fin connaisseur du marché, La Boucherie aurait mieux fait de transformer Courtepaille en «steak house haut de gamme» et d’assumer sa premiumisation, y compris sur les prix. «Contrairement à ce qu’on peut croire, les clients ne souhaitent pas que l’on tire les prix vers le bas, même en temps d’inflation. Le budget restaurant est l’un de ceux qui résistent le mieux aux arbitrages de pouvoir d’achat des ménages», estime-t-il.

En belle forme, le groupe La Boucherie (180 millions de chiffres d’affaires attendus en 2023) parviendra-t-il à tordre le cou aux critiques ? Aux clients d’en décider. Si tout se passe sans embûche, le groupe espère un élargissement du réseau Courtepaille d’ici les prochaines années. «L’ouverture de restaurants supplémentaires est déjà à l’ordre du jour. La perspective, à terme, c’est de redéployer l’enseigne», assure Marlène Vélé. Comme au temps où les auberges à toits de chaume faisaient florès le long des autoroutes françaises…