Un duo totalement inédit entre Jacques Dutronc et Françoise Hardy ! Il a été répété, non sans mal, et tourné, en 1965, pour la première émission de Dim Dam Dom. Pour des raisons jamais élucidées, il n’a pas été diffusé. Madelen vous propose de découvrir, pour la première fois, des images où les deux artistes évoquent, en paroles et musiques, la naissance de leur couple, une histoire d’amour dont les journaux ne parlent pas encore. L’interprète de Tous les garçons et le filles affiche un sourire qu’elle n’a pas souvent montré dans ses chansons. Elle le doit à la passion qu’elle éprouve alors pour celui qui l’a séduit par le rire, et qui aurait pu choisir pour devise «la farce tranquille». Dans les années 60, Dutronc n’a en effet jamais manqué une occasion de se livrer à des plaisanteries, pas toujours de bon goût, avec, la complicité de ses copains, à commencer par Kalafate, son guitariste, présent sur cet extrait à la droite de Françoise. L’une des facéties favorites de ce dernier consistait à jouer les secrétaires très particuliers. Il accompagnait Dutronc dans les studios de radio et sur les plateaux de télévision, déguisé en homme préhistorique, avec un gourdin en guise d’arme. Sa mission, qu’il accomplissait avec le plus grand sérieux, était de conserver précieusement un sac contenant des cotillons, des serpentins et des cigarettes explosives, dont Jacques ne manquait jamais de faire usage au cours d’une émission.
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«J’ai raté mon Bac, mais j’ai réussi mes copains », disait Dutronc qui, de temps à autre, cultivait néanmoins le goût de la solitude . Il avait ainsi trouvé le moyen de ne jamais être dérangé par des importuns. Au début des années 60, au temps où il vivait dans un studio au-dessus de l’appartement de ses parents, rue de Clichy , il avait enregistré sur son répondeur téléphonique le message suivant : «il n’y a pas d’abonné au numéro que vous avez demandé !». Ce qui a découragé celles et ceux qui n’étaient pas au courant de ce subterfuge.
Sa carrière a également débuté comme un canular. Au lendemain de ses 20 printemps, il commence à gagner sa vie dans les studios d’enregistrement, en accompagnant à la guitare de jeunes artistes, parmi lesquels Eddy Mitchell, Gene Vincent et Vince Taylor. Repéré par Jacques Wolfsohn, directeur artistique des disques Vogue, il est engagé pour, entre autres, écrire des musiques destinées à des têtes d’affiche du hit-parade naissant, Benjamin, Zouzou la twisteuse et … Françoise Hardy, pour qui il signe justement Le temps de l’amour. Il déjeune un jour avec Jacques Lanzmann, romancier et journaliste. Il vient de prendre la direction de Lui, un «mensuel de charme de qualité à la française», que certains ne manquent pas de comparer à Play-Boy. Jacques Wolfsohn est également présent à la table. À l’issue d’un échange de plaisanteries qui leur est familier, les trois hommes commencent à évoquer l’art d’écrire et de composer une chanson. « Certains affirment que c’est très difficile, assure Lanzmann. Je ne suis pas d’accord ! Je prétends que c’est très facile ! ».
Wolfsohn lance alors un défi aux deux convives : Lanzmann va trousser, en quelques instants, un texte que Dutronc mettra en musique dans la foulée. Puis, il enregistrera la chanson. C’est ainsi que naissent des couplets évoquant un français moyen qui s’interroge sur les problématiques de son époque . Le titre Et moi et moi et moi est aussitôt plébiscité par les adultes, mais aussi par les enfants, séduits par une liberté de ton à laquelle ils ne sont guère habitués . Il devient le tube de l’été 1966 . Dutronc, qui considérait cette aventure comme un canular de plus, ne dissimule pas sa surprise. Il ignore toutefois qu’il est à l’aube d’une carrière qu’il va paradoxalement mener avec le plus grand sérieux.