Si certains fantasment encore sur le fait d’être payé à ne rien faire, être «placardisé» reste une peine encore taboue dans le monde de l’entreprise. Ce fléau toucherait environ 200.000 personnes en France, selon les estimations de l’Institut Montaigne, qui vient de publier une note sur l’emploi des séniors. Une situation perdant-perdant pour le salarié désœuvré et l’employeur qui continue de payer un revenu sans contrepartie. Le contribuable doit lui aussi mettre la main à la poche au travers des dépenses maladies induites par ces situations. Les sommes ne sont pas négligeables. Le centre de réflexion libéral estime le coût direct et indirect des mises au placard à 10 milliards d’euros par an en France. Un chiffrage obtenu en se basant sur le salaire brut moyen en France en 2020, à savoir 39.600 euros d’après l’Insee, que l’Institut a multiplié par 200.000 pour le nombre de personnes concernées. Un résultat multiplié ensuite par 130% pour prendre en compte les cotisations patronales, estimées à 30%. Un résultat de 10 milliards d’euros qui pourrait être plus important, d’après l’Institut Montaigne, en ajoutant les dépenses en assurance maladie et les niveaux de cotisation parfois plus élevés.

À lire aussiHumiliés, angoissés et isolés : au bureau, le chemin de croix des «placardisés»

Pour définir cette situation professionnelle, l’institut Montaigne utilise plusieurs caractéristiques : l’absence de sens et d’intérêt dans les tâches effectuées, le retrait de la vie collective de l’entreprise, une charge de travail extrêmement faible voire inexistante et une absence de suivi par la hiérarchie directe du travail effectué et de contact régulier.

Placer un employé au placard, dans l’espoir que celui-ci démissionne de lui-même ou par impossibilité de le licencier, est normalement illégal en France. Il contrevient à l’article L. 1194 du Code civil qui oblige l’entreprise à fournir le travail prévu dans le contrat du salarié. La mise au placard peut également tomber sous le coup des articles L. 1152-1 et suivants du Code du travail qui permet d’assimiler cette pratique à un harcèlement moral.

C’est une des nombreuses raisons qui expliquent que le sujet reste tabou malgré le fait qu’il soit très présent «notamment dans les grandes entreprises», selon l’étude. Résultat, les travaux sur le phénomène et ses conséquences sont encore peu nombreux. Il peut pourtant se traduire par une atteinte psychologique de la personne, ce qui peut avoir des conséquences médicales et se traduire par des arrêts de travail. Un indice qui tend à prouver que le phénomène se développe, selon l’Institut Montaigne : «les troubles psychologiques sont aujourd’hui la deuxième cause d’arrêt maladie en France et connaissent une forte hausse». Ils représentent 20% de ces derniers en 2022 contre 11% huit ans plus tôt. De même la proportion de salariés se disant non investis dans leurs tâches a fortement augmenté : 26 % des salariés en 2022 contre 18 % en 2018.

À lire aussiVous avez été placardisé ? Voici comment trouver les clefs de la sortie

Face à ce constat, le think-tank appelle à une action nationale pour sensibiliser les entreprises, les syndicats et les DRH sur le caractère nocif du phénomène. En outre, la médecine du travail pourrait intégrer le phénomène dans ses axes de prévention.