Un nerf optique qui s’abîme, le plus souvent suite à une pression trop élevée à l’intérieur de l’œil. Et un champ de vision qui rétrécit, de la périphérie jusqu’au centre. Telle est la définition du glaucome, pour lequel sont aujourd’hui suivis ou traités 1,5 milllion de Français.
Médicaments, lasers ou chirurgie permettent pour la majorité d’entre eux de stabiliser la maladie au stade où elle a été découverte. Mais pour 10 à 15 % des malades, le glaucome continue de s’aggraver et peut conduire à la cécité. D’où des recherches tous azimuts pour protéger le nerf optique.
«Aucun traitement visant directement la régénération de ces fibres nerveuses n’a pour le moment prouvé son efficacité chez l’homme», prévient le Pr Christophe Baudouin, de l’hôpital des Quinze-Vingts-Institut de la vision, «mais il y a eu beaucoup d’avancées pour le contrôle de la pression intraoculaire. Cette stratégie de neuroprotection a largement démontré son efficacité».
Silencieux pendant des années, le glaucome est, dans la plupart des cas, lié à des problèmes d’évacuation défectueuse de l’humeur aqueuse. Continuellement sécrétée par des glandes situées près du cristallin, celle-ci s’accumule à l’intérieur de l’œil, fait grimper la pression et détruit les cellules nerveuses du nerf optique. Pour y remédier, une fois le diagnostic posé, «on dispose de quatre familles thérapeutiques, une cinquième faisant actuellement l’objet d’essais cliniques», poursuit le professeur.
Certains médicaments font baisser la sécrétion de l’humeur aqueuse, d’autres facilitent son écoulement en dehors de l’œil à travers un système de drainage appelé «trabéculum». À une exception près, ils sont administrés sous forme de collyres. Or, sauf chirurgie, ces derniers sont prescrits à vie. Au vu de leurs potentiels effets délétères sur la surface oculaire – sécheresse, irritation, inflammation – la mise au point récente de formules sans conservateur a constitué une formidable avancée. Et lorsqu’ils s’avèrent insuffisants, on a recours au laser ou à des interventions chirurgicales, dont la technique a elle aussi progressé.
«Le laser permet de lever le blocage en créant un petit orifice dans l’iris, pour les glaucomes dits à “angle fermé”, précise le Pr Baudouin. Il peut aussi améliorer le fonctionnement du trabéculum pour les glaucomes à angle ouvert, qui sont les plus fréquents.» Ces objectifs sont également ceux de la chirurgie, chez les patients dont la maladie n’est pas stabilisée par les collyres ou les lasers. «Depuis une dizaine d’années, elle est devenue moins risquée, grâce à des procédures dites mini-invasives s’appuyant sur l’implantation de microdrains pour évacuer l’humeur aqueuse», ajoute l’ophtalmologue. Reste toutefois des patients pour lesquels toutes ces thérapies ne suffisent pas. D’où l’exploration d’autres pistes ciblant plus directement le nerf optique.
«Il y a encore quelques années, je vous aurais dit espérer obtenir de bons résultats avec des injections de cellules souches», reconnaît Christophe Baudouin. «Mais les essais précliniques ont montré la haute variabilité des réponses à ce traitement, et surtout sa dangerosité pour l’œil.» Autre option envisagée: le recours à la thérapie génique, pour faire produire dans l’œil une protéine neuroprotectrice.
Enfin, on envisage aussi d’intervenir dans le cortex visuel, en stimulant des neurones génétiquement modifiés pour être activés par des ultrasons d’où le nom de «thérapie sonogénétique». Pour l’heure, ces traitements ne sont testés que chez l’animal. Mais les scientifiques ont bon espoir de parvenir dans un avenir proche à des essais chez l’homme.