Son «initiative politique d’ampleur» a perdu de son envergure. De retour ce vendredi matin dans l’ancienne abbaye loyale de Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), pour un troisième sommet avec les chefs de parti consacré notamment à la situation internationale et aux institutions, Emmanuel Macron se prépare à affronter plusieurs boycotts. Ni le dirigeant des Républicains (LR) Éric Ciotti ni celui du Parti socialiste (PS), Olivier Faure, ne seront présents. Pas plus que l’Insoumis Manuel Bompard.
En privé comme lors de sa visite d’État en Suisse, le président de la République s’est agacé de ces défections. Il sait qu’elles menacent son opération, pourtant jugée réussie depuis les douze heures de discussions au complet menées le 30 août. À l’adresse des absents, il a dénoncé mercredi une «faute politique majeure». «Utiliser le contexte que nous vivons, pour justifier une absence à une réunion de travail sur des réformes constitutionnelles, est absolument indigne de la part d’un dirigeant politique», a-t-il déclaré lors d’une conférence de presse depuis Berne. Quelques heures plus tôt, dans le huis clos du Conseil des ministres, il a déjà vivement réprimandé le LR et le PS, «qui prétendent être des partis de gouvernement». Selon lui, «ce sont eux qui laissent s’installer le face-à-face avec le RN».
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Le chef de l’État vise particulièrement Éric Ciotti, le dernier à l’avoir surpris par son boycott annoncé. Après avoir entretenu l’incertitude autour de sa participation, le patron de LR a déploré mardi dans Le Figaro une «énième démarche de communication». L’absence d’Emmanuel Macron dimanche à la manifestation contre l’antisémitisme, dit-il, a fini de le «convaincre». «Mon rôle n’est pas de faire une marche», a rétorqué mercredi le chef de l’État, en avançant son «engagement personnel» contre «toutes les formes d’antisémitisme» et son souci de «préserver» l’«unité du pays».
Cette «unité», à laquelle il a appelé plus tôt dans son courrier d’invitation aux Rencontres de Saint-Denis, est désormais mise en danger. Tout comme les réformes de la Constitution et la nouvelle étape de décentralisation, sur laquelle Emmanuel Macron a proposé à ses partenaires de plancher. Au centre des discussions doit figurer l’élargissement du champ du référendum aux «questions de société» comme la fin de vie et l’immigration. Un signal lancé en vain aux LR, en plein débat sur le projet de loi immigration. Ce qu’Olivier Faure ne souhaite pas «cautionner» en participant à une «mise en scène», a-t-il écrit jeudi en réponse à Emmanuel Macron.
D’abord surpris par la vive réaction du locataire de l’Élysée à sa défection, Éric Ciotti assume aussi son bras de fer. Il estime être conforté dans son choix. «La réaction disproportionnée du président de la République révèle sa fébrilité. Il ne peut guère s’étonner de notre volonté de ne pas nous associer à un énième coup de communication», juge Olivier Marleix, le chef de file des députés LR.
Comme lui, 61 % des Français voient dans le rendez-vous de vendredi une «opération de communication inutile qui n’apportera rien de concret» , selon un sondage Odoxa-Backbone Consulting pour Le Figaro. Mais une courte majorité d’entre eux (51 %) estiment que les absents «ont tort» de ne pas répondre à l’invitation.
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Pour justifier l’absence d’Éric Ciotti, l’état-major de LR avance aussi sa stupeur après la récente réception par des conseillers de l’Élysée de l’humoriste Yassine Belattar, condamné à 4 mois de prison avec sursis pour menaces de mort. Tout comme la crainte de nouvelles émeutes, sans véritable réponse après les violences de juillet.
À quinze jours de l’arrivée du texte sur l’immigration à l’Assemblée nationale, les LR veulent envoyer un message: «Tout ne peut pas être à sens unique.» Sur sa proposition de loi constitutionnelle, qui prévoit d’exonérer la France du droit européen sur les questions migratoires, ils attendent une réponse claire. Et imposent ce préalable avant toute discussion.
À l’Élysée, on fustige «des calculs politiciens assez incompréhensibles». Et on s’en prend aux troupes d’Éric Ciotti: «Imaginez si l’on décide vraiment d’élargir le champ du référendum: ça se fera sans ceux qui le demandent?» «La politique de la chaise vide, c’est létal pour les oppositions», estime un membre de la direction de Renaissance.
Faut-il y voir une première rupture entre Éric Ciotti et Emmanuel Macron? «La rupture, il faut être deux pour la faire, assène un ténor de LR. Si le président se trouve dans une situation où la moitié des participants est absente, il en est le premier responsable.» En réunion des députés LR, mardi, Éric Ciotti a été applaudi à l’annonce de sa décision. Même si certains n’ont guère caché leur désaccord: «J’estime que quand il y a des occasions de dialoguer, il ne faut jamais les refuser», a avancé sur France 2 le président des Hauts-de-France, Xavier Bertrand. «On ne peut pas avoir Gérard Larcher (le président LR du Sénat) qui y va et Éric Ciotti qui n’y va pas.»
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À cela, le patron de la droite a déjà répondu au Figaro: «Le président du Sénat est dans son rôle institutionnel.» Une cadre précise toutefois: «La présence d’un membre éminent des Républicains marque que nous ne sommes pas dans un refus net du dialogue avec le président.»
Ceux qui prévoient de dialoguer avec Emmanuel Macron entendent en tirer profit. La dirigeante des Verts, Marine Tondelier, se félicite d’avoir «plus de temps pour parler d’écologie», explique son entourage: «On ne voulait pas laisser le président seul face à Jordan Bardella.» Le lepéniste, désireux de camper le rôle du premier opposant, souhaite l’alerter sur la «dislocation du pays». Invité pour la première fois à ce rendez-vous, le radical de gauche Guillaume Lacroix veut pour sa part marquer sa différence avec les LR et ses anciens alliés socialistes: «Quand on est à la tête d’un parti républicain, on va voir le président de la République.»