C’est une mesure repérée par nos confrères des Échos , qui a recueilli le soutien de la majorité présidentielle, des socialistes et… des insoumis. Ce lundi, les députés ont validé largement l’article 9 de la proposition de loi visant à bâtir la société du bien vieillir en France. Objectif de ce texte, contesté par la droite et le Rassemblement national : supprimer l’obligation, pour des petits-enfants, de financer l’hébergement d’un grand-parent dans un Ehpad, s’il ne peut le payer sans aide sociale à l’hébergement (ASH). Un moyen, pour les soutiens de ce changement, de défendre le pouvoir d’achat des plus jeunes, tout en favorisant l’accès à cette aide.
Aujourd’hui, les descendants – enfants, petits-enfants et arrière petits-enfants – «sont concernés par l’obligation alimentaire à l’égard de leurs père, mère ou de leurs ascendants dans le besoin», précise l’administration. Elle doit permettre de financer la vie – dont les soins ou l’habillement – d’un ascendant dans le besoin. Elle peut aussi être utilisée pour participer à son hébergement dans une structure comme une maison de retraite ou un Ehpad : les obligés doivent alors financer «une partie des frais d’hébergement d’un proche en maison de retraite». Si un senior fait une demande d’ASH, «le conseil départemental paie la différence entre le montant de la facture et la contribution de la personne hébergée, voire de ses obligés alimentaires qu’il peut mettre à contribution». Chaque conseil départemental définit ses règles en la matière : certains ont ainsi décidé de ne pas solliciter les petits-enfants, quand d’autres continuent de le faire.
Mais, pour certains, cette obligation pose problème. En 2018, un rapport d’information parlementaire avait indiqué que ce dispositif «suscite conflits et contentieux dans les familles». En outre, l’obligation peut pousser certains individus à se reposer sur leurs proches, plutôt que sur les aides publiques. Elle est à «l’origine de non-demandes» de la part de personnes qui pourraient bénéficier de l’ASH, dont le versement «peut être conditionné à la mise en jeu préalable de l’obligation alimentaire des enfants ou des petits-enfants», soulignait le rapport.
L’article 9 de la proposition de loi supprime donc l’obligation alimentaire «pour les petits‑enfants s’agissant de l’aide sociale à l’hébergement (ASH), encore en vigueur dans certains départements». «Résider en établissement ne doit plus représenter une charge financière sur la descendance, et notamment sur les petits‑enfants», justifient les auteurs du texte déposé par des élus de la majorité, dont l’actuelle ministre des Solidarités, Aurore Bergé. «Le lien familial doit pouvoir rester avant tout un lien privilégié d’affection et de transmission et être mis à l’abri des difficultés financières», ajoutent également les députés.
Pour les élus, l’obligation alimentaire «est, en fait, l’une des premières causes de non-recours à l’ASH – alors qu’elle pourrait être perçue par les trois quarts des résidents en Ehpad, seule la moitié des bénéficiaires potentiels en fait la demande», a argumenté l’insoumise Martine Étienne, durant les débats, ce lundi. Estimant que l’article «va dans le bon sens», la socialiste Christine Pires Beaune a quant à elle noté que «l’obligation alimentaire incombant aux petits-enfants est peu invoquée». «Régulièrement, des personnes refusent d’entrer en Ehpad et préfèrent renoncer à une place plutôt que de courir le risque de voir leurs petits-enfants sollicités financièrement. C’est cela que l’article 9 empêchera», a argumenté la ministre, Aurore Bergé.
Les élus ont également rappelé que la suppression ne touchait que les petits-enfants, et l’aide sociale à l’hébergement. En outre, les règles varient selon les départements, engendrant des disparités locales. «Dans les zones frontalières, si je puis dire, diriger un Ehpad revient à expliquer, le même jour, à telle personne qu’un recours sera engagé contre son petit-fils, à telle autre que ce ne sera pas le cas», a plaidé le Modem Laurent Panifous. «Il ne reste plus que 32 départements qui appliquent l’obligation alimentaire des petits-enfants. […] C’est de la bureaucratie dans toute sa splendeur et ce sont ceux qui sont les plus informés de leurs droits qui sont capables d’adopter des stratégies d’évitement en matière d’aide sociale et d’obligation alimentaire», a plaidé, quant à lui, le socialiste Jérôme Guedj.
À l’inverse, la droite et le parti à la flamme se sont élevés contre cette modification. Le RN a défendu la «solidarité familiale» : «Lorsque nos grands-parents sont dans le besoin, il est de notre devoir de les assister : prétendre le contraire, c’est nier l’existence même de la famille, l’un des piliers du renouvellement de la société», a clamé Caroline Colombier. De son côté, son collègue (LR) Thibault Bazin a appelé à défendre l’obligation alimentaire, au nom de la réciprocité : «Les grands-parents seraient toujours tenus d’aider leurs petits-enfants, mais ces derniers n’auraient plus d’obligation en retour», a-t-il indiqué. La droite aurait donc préféré harmoniser les règles entre départements sur l’obligation alimentaire, plutôt que de la supprimer, ce qui risque, à ses yeux, d’engendrer une «grande fragilité dans la relation intergénérationnelle». Sans succès.