Un financement «inédit pour l’industrie pharmaceutique en France et l’un des plus gros montants d’investissement industriel pour notre pays cette année» : Emmanuel Macron n’a pas caché sa satisfaction ce jeudi. Le chef de l’État était en déplacement à Chartres, où le laboratoire danois Novo Nordisk a annoncé investir 2,1 milliards d’euros. L’objectif ? Agrandir son site français de production en vue de répondre à l’augmentation de la demande mondiale pour les traitements antidiabétiques qui agissent aussi sur l’obésité.
L’obésité, qui progresse partout dans le monde, représente un enjeu sociétal, mais aussi un marché à croissance exponentielle pour les acteurs pharmaceutiques les plus avancés sur ce créneau, dont Novo Nordisk. «Cet investissement va permettre d’assurer la résilience des chaînes de production dans un secteur essentiel qu’est celui de la santé (…) C’est au cœur de la bataille de la souveraineté industrielle et sanitaire que nous menons. C’est aussi au cœur de la bataille de l’emploi», a ainsi vanté le président de la République.
Il faut rappeler que, depuis septembre, le groupe est devenu la première capitalisation boursière européenne (devant le géant français du luxe LVMH) grâce au succès de ses produits utilisés contre l’obésité, une maladie difficile à soigner. Le médicament précurseur de Novo Nordisk dans l’obésité («Wegovy») est commercialisé aux États-Unis, au Danemark, en Norvège, au Royaume-Uni et depuis peu en Suisse. Le laboratoire compte demander sa certification en France en 2024.
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Ces médicaments appartiennent à la classe des analogues du GLP-1, une hormone qui a des actions sur le pancréas pour favoriser la sécrétion d’insuline dans le cas du diabète, mais qui agit aussi sur le système digestif et nerveux central, en réfrénant l’appétit et en permettant ainsi de combattre l’obésité. En 2023 seulement, Novo Nordisk dit avoir investi 10 milliards d’euros sur l’ensemble de son outil de production à travers le monde, en incluant l’usine «stratégique» de Chartres (Eure-et-Loir), d’où sortent des traitements pris par plus de 10 millions de diabétiques dans le monde chaque jour.
En janvier, le groupe y avait déjà annoncé un investissement de 130 millions d’euros pour tripler la capacité d’assemblage et de conditionnement de stylos injecteurs d’insuline, promettant une centaine de recrutements. Le projet d’expansion annoncé jeudi va doubler à 230.000 m2 la superficie du site de Chartres, qui s’ouvrira à la production de solutions contre l’obésité. Ce nouvel «investissement s’accompagnera de plus de 500 nouveaux emplois pour assurer les activités de production 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, lorsque les installations seront opérationnelles», a précisé le groupe.
Le chantier a débuté et le projet devrait être finalisé en 2028. Le site de production de Novo Nordisk à Chartres date de 1961 et emploie aujourd’hui quelque 1600 personnes (il est le premier employeur privé du département). L’extension du site de Novo Norisk à Chartres va créer «plus de 500 nouveaux emplois», qui s’ajouteront donc aux 1.600 déjà existants.
Ce projet a été dévoilé en grande pompe par Emmanuel Macron il y a quelques jours. Le chef de l’État est attendu à 16h sur le site de Chartres, aux côtés des ministres de la Santé Aurélien Rousseau et de l’Industrie Roland Lescure, pour sceller l’annonce. Après le lancement d’un plan ambitieux autour des batteries électriques en mai à Dunkerque – 6,7 milliards d’euros d’investissements étrangers – la réindustrialisation se poursuit donc sur le champ de la santé, avec cet investissement de 2,1 milliards d’euros, supérieur à celui annoncé par Pfizer (1,5 milliard d’euros) en mai. Dans le même esprit, le président de la République avait aussi présenté en juin un plan de relocalisation de la production de médicaments afin de faire face à des pénuries structurelles – précipitées par la crise du Covid – des antibiotiques au paracétamol.
Outre la création d’emplois, le projet va aussi contribuer à la «bataille du commerce extérieur» de la France car 90 à 95% de sa production est exportée, souligne l’Élysée. Pour rappel, la France n’a plus connu d’excédent commercial pour les échanges de biens depuis 2002 et le déficit s’établissait à 54 milliards d’euros sur le premier semestre 2023. Emmanuel Macron, qui soigne ses contacts avec les PDG des grandes compagnies internationales, engrange ainsi une nouvelle victoire dans la bataille de «l’attractivité» sur l’échiquier européen. Le groupe pharmaceutique américain Eli Lilly vient de son côté d’annoncer un investissement de 2,3 milliards d’euros en Allemagne pour élargir sa production de médicaments contre le diabète.
Mais le chemin reste long et sinueux dans un contexte international agité et un environnement national qui a aussi ses contraintes. «Ce n’est pas en faisant d’un investissement nouveau un événement médiatique que cela change la donne», avance Frédéric Bizard, spécialiste des questions de santé et professeur d’économie affilié à l’ESCP Europe, interrogé par l’AFP. Le frein principal aux investissements étrangers en France reste «l’écosystème administratif et réglementaire» de la filière du médicament, selon lui. Pour Patrick Biecheler, associé de la société de conseil Bain and Company, ces traitements pourraient néanmoins être étendus à d’autres maladies comme la «maladie du foie gras» ou Alzheimer et offrent donc de multiples «perspectives de croissance».