Drame historique de Damien Chazelle, 3h09
Sujet: le cinéma. Ses débuts, ses dessous, ses aléas. Il y a de quoi faire. Dans les années 1920, Hollywood se croyait tout permis. Le réalisateur a retenu la leçon. Babylon démarre par quarante minutes d’orgie débridée dans un château à la Xanadu. Baignoires d’alcool, Himalayas de cocaïne, demoiselles plus ou moins tarifées, orchestres en smoking, la séance donne le tournis. Damien Chazelle nous fait revivre une époque comme il y en exista peu dans l’histoire. Le muet n’a jamais fait autant de bruit. Ces turpitudes, le réalisateur américain les souligne d’un gros trait noir. Alors voici la commère au courant des moindres potins, les créant au besoin. Voilà des suicides, des gueules de bois. Cette boue se transforme en or à l’écran. Telle est la loi du genre. Elle est cruelle. Brad Pitt irradie, en vedette titubante et ironique. Margot Robbie se jette à corps perdu dans le rôle de la starlette les doigts dans la prise. La grande vertu de Babylon est de ne pas sentir la naphtaline. Le scandale est qu’on puisse loger de la beauté dans ce bourbier. Paradoxal et fitzgeraldien. Stop. On en sort KO, ravi, lessivé. Stop. E.N.
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Comédie de Baya Kasmi, 1h37
Il ne manquait plus que ça. Déjà, Youssef ne voulait pas que ses parents sachent qu’il avait écrit un livre où il parlait d’eux. En plus, Le Choc toxique obtient le Goncourt. L’auteur ne sait plus où se mettre. Le voilà obligé de jongler avec la vérité, multipliant les stratagèmes pour éviter que les personnes concernées se procurent l’objet incriminé. Ce fils d’immigrés cache sa rupture avec sa fiancée, éteint la télévision quand elle diffuse une émission dont il est l’invité, rafle tous les exemplaires de son chef-d’œuvre chez le libraire local. Ramzy Bedia joue à la perfection ce romancier vaguement alcoolique, ayant des rapports lointains avec la réalité et qui manifeste une gentillesse de tous les instants. Baya Kasmi opte pour le ton de la comédie légère. Elle file un air bien à elle, fuit les temps morts, décrit une famille entre deux cultures, montre avec justesse les dessous du milieu littéraire. En éditrice fofolle et dépassée, Noémie Lvovsky se déchaîne. Telle est la meilleure surprise de ce début d’année. Il faudrait lui donner un prix. E.S. et E.N.
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Drame de Carla Simón, 2h00
Nous sommes sur ses terres, en Catalogne, dans la région d’Algarràs, où une grande famille d’agriculteurs cultive les pêches depuis plusieurs générations. Chronique familiale sur la dernière récolte d’une exploitation vouée à disparaître, le film de Carla Simón a remporté l’ours d’or à la Berlinale 2022. Réalisé avant le Covid avec des acteurs non professionnels, ce portrait choral joue beaucoup sur les conflits intergénérationnels. Carla Simón porte ici un message personnel, intime, et veut rendre hommage avec un brin de nostalgie, et sans aucune mièvrerie, aux dernières familles d’agriculteurs qui s’accrochent aux traditions face à la modernité galopante qui gagne l’Espagne d’aujourd’hui. Et elle filme cette paysannerie catalane avec un réalisme qui force le respect. Mais ce film, qui se voudrait à l’équilibre entre le pamphlet militant et le récit familial, n’a ni la puissance d’évocation documentaire des films de Rouquier, ni la profondeur émotionnelle d’une fiction romanesque comme As bestas de Rodrigo Sorogoyen. Un film qui manque tout simplement d’un peu d’ampleur. Et c’est dommage. O.D.
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Film d’animation d’Atsuko Ishizuka, 1h35
Deux amis de toujours se retrouvent un été au fin fond de leur Japon rural. L’un a décidé de rester ; l’autre est monté faire ses classes à Tokyo. Ils renouent avec leur club de feux d’artifice, rejoints par un troisième luron. Le petit groupe se retrouve accusé d’avoir provoqué un incendie. Seul leur drone peut les disculper mais le petit engin, emporté par les vents, s’est perdu dans une forêt voisine. Au seuil de l’âge adulte, la troupe s’embarque alors en expédition – par chemins et par grottes – pour retrouver l’engin et renouer les uns avec les autres. La réalisatrice Atsuko Ishizuka signe là un adieu à l’enfance ponctué de quelques franches rigolades, entre attaques d’ours et brimades adolescentes. Un road-trip plein d’entrain, engourdi dans sa chute par une cascade de mélo. S.C.