Rima Abdul Malak, qui visitait jeudi ce grand raout de la BD, n’a pas éludé la question devant la presse. «Il y a eu une réaction légitime contre une attitude qui était inacceptable» et «des propos insultants» de la part de cet auteur, a expliqué la ministre.
«Les choses ont eu lieu à un rythme tellement rapide que ce débat, finalement, n’a pas pu se tenir, a-t-elle déploré. J’aurais souhaité en effet qu’il ait plus lieu, ici, au Festival». C’est avec beaucoup d’amertume que l’organisation du Festival avait annulé, mi-décembre, «Dans les yeux de Bastien Vivès».
Une bonne partie du monde de la BD n’avalait pas l’hommage à un jeune homme naguère très virulent contre une de ses pairs, Emma, et auteur de livres contestés, qui mêlent mineurs et pornographie.
Depuis, la justice s’est penchée sur son cas, rouvrant début janvier une enquête préliminaire pour diffusion d’images pédopornographiques, alors qu’en 2019 une première plainte pour ces mêmes faits avait été classée sans suite.
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Cette amertume se lisait encore, parmi d’autres motifs, dans l’émotion de son directeur Franck Bondoux, en pleurs au pupitre lors de la cérémonie d’ouverture mercredi soir. Il n’a pas abordé le sujet directement, mais déclaré : «On attend beaucoup des grands événements culturels.»
Interrogé après la cérémonie sur cette polémique, le lauréat du Grand Prix, le dessinateur Riad Sattouf, soulignait que «le Festival d’Angoulême, c’est le cœur battant de la bande dessinée».
Lui-même ne s’implique pas dans le débat. «Toutes les discussions autour du Festival, ses missions, comment il doit évoluer, sont vraiment légitimes. Moi, c’est vrai que je fais des bandes dessinées et j’écris des livres. J’essaie de me concentrer sur ça», déclarait-il.
En marchant dans Angoulême, lui et les autres festivaliers n’ont pas pu manquer des affichages sauvages qui disaient par exemple: «Pédopornographie : éditeurs complices diffuseurs coupables
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Dès qu’il s’agit non pas d’écrire des slogans, mais d’échanger des points de vue contradictoires, tout est plus difficile. Lors d’une «rencontre» jeudi devant le public, une auteure, Aurélia Aurita, 42 ans, avouait : «J’avais choisi de ne pas m’exprimer publiquement sur cette polémique.» «En tout cas, moi je suis contente qu’il y ait des débats. Tant qu’il y a du débat c’est très sain (…) même si on s’engueule. C’est tout ce que je dirai», lançait-elle.
À ses côtés, un auteur qui a cosigné avec elle une BD en 2018 (Comme un chef), et qui est professeur de «poétique de la bande dessinée» au Collège de France, Benoît Peeters. Il annonçait sa participation à un débat prévu samedi après-midi sur «Sexualité et bande dessinée: peut-on tout dessiner?». Mais, regrettait-il, «beaucoup de gens se sont dérobés, y compris parmi les ennemis déclarés d’un certain auteur». «J’espère qu’on arrivera à débattre, parce qu’il y a de vraies questions, qui ne se résument pas aux problématiques d’un individu», expliquait ce théoricien reconnu de la BD.
La table ronde n’apparaît pas dans le programme du Festival distribué aux visiteurs, car elle est de l’initiative non de la direction du Festival, mais d’un partenaire, Le Point. Cet hebdomadaire qui publiait jeudi l’analyse de la journaliste Peggy Sastre. Son titre ? «Affaire Vivès: la mécanique d’un lynchage».
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