Pas plus de 49 jours. C’est le temps qu’a duré le bref passage de Liz Truss à Downing Street, avant sa démission le 20 octobre dernier à la suite du début de crise économique déclenchée par son projet de réforme budgétaire. Suffisamment peu pour la faire entrer dans le livre des records, mais assez tout de même pour nourrir d’importants regrets. Si elle s’est faite discrète depuis, fuyant notamment la polémique suscitée par le montant colossal (115.000 livres) des indemnités que lui auront rapporté ces six semaines à la tête du pays, Liz Truss est sortie samedi soir de son silence en se livrant, dans les colonnes du Telegraph , à une première confession politique – d’un genre particulier, puisqu’elle y liste surtout les péchés des autres.

Dans cette longue tribune, l’ancienne première ministre reconnaît certes qu’elle n’a pas été «irréprochable». Mais elle embraye rapidement sur les raisons profondes qui, selon elle, ont fait obstacle à ses réformes budgétaires, placées sous le signe d’importantes réductions fiscales – en particulier sa mesure emblématique de suppression de la plus haute tranche d’impôt sur le revenu. Ce plan qui supprimait d’importantes ressources pour l’État (plusieurs dizaines de milliards de livres) avait inquiété le FMI et suscité un cortège de critiques, bien au-delà du Royaume-Uni, notamment sur l’effet délétère d’un tel projet en matière d’inégalités ou de maîtrise budgétaire. La politique de Liz Truss avait ensuite affolé les marchés financiers, provoquant une remontée des taux d’emprunt et une chute historique du cours de la livre sterling.

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Mais Liz Truss n’en démord pas : cette politique était la bonne, elle s’est seulement heurtée au «conformisme gauchisant des élites économiques britanniques». Bien que la tempête politique qui a entraîné sa chute l’a «brisée» au plan personnel, l’ex-première ministre continue de croire que «sur le moyen terme», ses idées auraient soutenu le retour de la croissance et permis de réduire la dette britannique. Son bref passage à la tête du gouvernement l’a pourtant, selon ses dires, désignée comme «bouc-émissaire» des mauvais résultats généraux de l’économie britannique ces dernières années.

Ainsi estime-t-elle avoir fait l’objet d’une fronde, à tous les niveaux de l’État et à l’intérieur même de son parti. «Je pensais, en arrivant à Downing Street, que mon mandat serait accepté, respecté. Comme je me suis trompée ! J’avais bien sûr anticipé la résistance du système face à mes réformes, mais je l’avais nettement sous-estimée», écrit-elle. La faute notamment à un manque de culture économique chez ses concitoyens : «Sincèrement, j’ai voulu aller à contre-courant de la pensée dominante. La plupart des médias et de l’opinion sont devenus étrangers aux principes fondamentaux de la politique budgétaire et fiscale, et le pays s’est gauchisé», ajoute-t-elle. Et de conclure : «on ne m’a laissé aucune chance de mener à bien ma politique, à cause de la résistance de l’establishment, et d’un manque total de soutien de mon parti politique». Elle regrette en outre d’avoir «sous-estimé la réticence des parlementaires conservateurs à mettre en place une économie moins régulée et moins taxée».

En guise de consolation, elle confie toutefois avoir reçu depuis son départ de Downing Street de très nombreux courriers lui témoignant du soutien, de la part notamment de personnes qui lui confient partager son diagnostic sur «la léthargie économique du pays».

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