Ça, il prend très mal la chose. Ce maire de droite a des excuses. Sa femme lui annonce qu’elle veut devenir un homme. Et puis quoi encore ? D’abord, il songe à une plaisanterie. Mais la dame est sérieuse. L’élu s’arrache les cheveux. Sa campagne ! Il lui avait promis qu’il renonçait à la vie politique et voilà qu’il a choisi de se représenter. Elle lui cite l’exemple du mérou, des escargots. En langage moderne, on appelle ça transition. Déjà, elle a commencé à prendre des hormones. Dans cette ­petite ville du Nord, cette lubie fait désordre. Burn-out ou ménopause, on se perd en conjectures. Que vont penser les ­électeurs ?

La théorie du genre débarque chez ce couple tout droit sorti de chez Chabrol. Veste Barbour, vacances à La Baule, la panoplie est au complet. Monsieur tombe de haut. Après tout ce temps, avait-il mérité ça ? Que vont dire les enfants, hein ? Tout cela est bien compliqué. On a beau être sans étiquette, l’élection risque de tanguer. Alors ­Fabrice Luchini pousse des hurlements, dort sur le canapé. « J’aurais préféré être plaqué pour une ­girafe. »

Catherine Frot s’affuble d’une fausse moustache, demande à la domestique de ne plus l’appeler « Madame ». Édith se transforme en Eddy. Les complets-vestons lui vont bien. « Ça n’est pas parce que j’ai un sexe de femme que je ne peux pas être un homme. » La théorie se défend.

Avec un sujet pareil, il faut marcher sur des œufs. Cette Cage aux folles version LGBT opte pour un ton léger, ne se soucie pas du vraisemblable. C’est une comédie pour samedi, un spectacle à voir en famille. Cela permet à Philippe Katerine d’être un adjoint efficace et ironique. La surprise permet de s’intéresser enfin à d’autres problèmes que l’emplacement des dos-d’âne. Luchini ouvre des yeux ronds, affiche un désarroi de gamin. Il faut le voir vider des alcools forts pour supporter le choc, distribuer des tracts sur les marchés, recevoir dans sa permanence avec le slogan « En avant comme avant ».

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Catherine Frot cultive des airs inquiétants, avec sa casquette à la Gavroche, trouve refuge chez un ami homosexuel et golfeur, assiste à des réunions menées par des transsexuel(le)s. On ne va pas faire la fine bouche devant un film qui a le mérite de traiter d’une actualité délicate et d’éviter la vulgarité. Tristan Séguéla signe un hymne à la tolérance, choisit la gentillesse contre le pamphlet, ne crache pas sur un happy end durant le carnaval de Dunkerque. Il montre sans lourdeur toutes les dimensions de cette histoire, aidé en cela par deux acteurs complices, malins, au diapason. La Fête des mères réserve des grincements de dents. Une naissance arrondit les contours. L’amour continue, envers et contre tout. La candeur le dispute aux sourires. Qu’on imagine un Jean-Pierre Mocky sous bromure et on aura une idée assez juste de l’ensemble. Ces péripéties très Saintes Chéries sont accompagnées par des chansons des Rita Mitsouko et de William Sheller, ce qui ne gâche rien.

La note du Figaro : 3/4