Plus de 60.000 postes à pourvoir dès aujourd’hui. Et 1,3 million à trouver dans les dix prochaines années, selon Roland Lescure, le ministre délégué à l’Industrie. Même s’il ne s’agit pas d’un solde net, car 800.000 à 900.000 personnes partiront à la retraite sur la période, la roue a tourné pour le secteur industriel.
Après plusieurs décennies de désindustrialisation, marquées par la disparition de 2,5 millions d’emplois industriels en cinquante ans, l’industrie engage à nouveau des ouvriers, des techniciens et des ingénieurs. C’est le mouvement d’électrification, avec des investissements qui se comptent en milliards d’euros dans les usines de batteries et tout l’écosystème associé, et la décarbonation, qui va permettre aux industries plus traditionnelles comme l’acier, l’aluminium ou la chimie d’entrer de plain-pied dans la transition écologique, qui donnent le rythme.
Sauf que ces recrutements ne sont pas chose aisée. Tous les industriels le reconnaissent. «Le défi du recrutement dans l’industrie est colossal pour les prochaines années», souligne Alexandre Saubot, le président de France Industrie, qui regroupe les acteurs du secteur. D’où le besoin de communiquer sur ses métiers et ses atouts. C’est le principe de la Semaine de l’industrie, qui s’est ouverte ce lundi. De nombreuses actions de communication sont mises en place. Des sites industriels ouvrent leurs portes aux jeunes scolaires. En tout, plus de 5500 événements ont été recensés par le ministère de l’Industrie au cours de cette semaine spéciale. Et ils devraient accueillir plus de 2 millions de participants.
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L’objectif est clair: améliorer l’image de l’industrie pour susciter des vocations. Les choses ont tout de même évolué dans le bon sens, soutenues par la multiplication des investissements nouveaux. «Ces dernières années, l’image de l’industrie s’est améliorée, reconnaît Sébastien Gillet, directeur de Global Industrie, le salon le plus important rassemblant le secteur de l’industrie en France. Il y a une dizaine d’années, on avait encore une image vieillotte, à la Zola, de l’industrie. Aujourd’hui, on parle d’usine digitale, de réalité virtuelle, de robotisation ou de jumeau numérique.» Et le succès du salon Global Industrie montre bien cet attrait nouveau. «On attend 5000 à 7000 jeunes sur le prochain salon Global Industrie, quand nous étions au maximum à 1500 jeunes au début des années 2010», se félicite le patron du salon.
Faire visiter les usines doit permettre de renforcer ce nouveau visage du secteur. Mais l’image n’est pas le seul atout dont peut se prévaloir l’industrie. Il y a également des données objectives à mettre en avant. «L’industrie engage à 90 % en CDI et paye mieux, de l’ordre de 20 % supplémentaires pour les qualifications rémunérées au niveau du smic dans d’autres secteurs», souligne ainsi Sébastien Gillet. C’est important au moment où les incertitudes économiques se font plus fortes.
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Pour autant, recruter reste délicat. Et les entreprises se trouvent parfois confrontées à des difficultés inattendues. Par exemple à Dunkerque, qui concentre aujourd’hui les projets nouveaux. La ville doit trouver 20.000 personnes sur les dix prochaines années. Mais le logement est un réel souci. C’est la raison qui a conduit Patrice Vergriete, ministre du Logement et ancien maire de Dunkerque, qui connaît donc bien le sujet, à modifier la classification de l’agglomération pour pouvoir y construire des logements intermédiaires.
L’emploi des seniors représente un autre levier. Il faut conserver les compétences le plus longtemps possible. «La capacité à maintenir les seniors dans l’emploi est absolument stratégique», souligne Alexandre Saubot. D’où son soutien à la proposition du ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, d’aligner l’indemnisation maximale du chômage pour les plus de 55 ans sur la durée des salariés moins âgés. «Ce serait terrible d’avoir franchi toutes les marches de la réindustrialisation et de buter sur le manque de personnel qualifié pour faire tourner les usines», insiste le patron de France Industrie.