De notre correspondant à Londres
Le profil de l’auteur de la sauvage attaque au couteau de Dublin ne peut que nourrir la polémique sur l’immigration en Irlande. D’origine algérienne mais de nationalité irlandaise, l’homme avait déjà eu maille à partir avec la justice. Et avait un temps été sous le coup d’une expulsion. L’attaque a fait quatre blessés dont trois enfants. Une femme d’une trentaine d’années et une petite fille de cinq ans ont été grièvement touchées.
Sur l’assaillant et ses mobiles, la police irlandaise reste bien silencieuse mais des fuites permettent à la presse de brosser peu à peu son portrait. Âgé d’une cinquantaine d’années, l’homme était arrivé d’Algérie dans le pays il y a plus de deux décennies et avait été arrêté en 2003. « Il devait alors être expulsé mais il s’est battu pendant cinq ans contre cette décision » a confié au Sunday Times une source policière. Après une procédure de révision devant la Haute Cour, l’ordre d’expulsion a été révoqué. Et, en 2008, le ministère de la Justice a accordé au migrant algérien une autorisation de séjour en Irlande. Plus tard, il a obtenu la nationalité irlandaise, qu’il détient depuis plus de dix ans.
Récemment, l’homme avait été dans le collimateur de la justice. En juin dernier, il avait comparu devant un tribunal de Dublin pour port d’un couteau et dommages criminels à une voiture, après un incident survenu en mai. Le juge n’avait finalement pas rendu ordonnance, semble-t-il à cause de « graves problèmes de santé mentale ». Hier la presse avançait d’ailleurs que les policiers attendaient le feu vert des médecins pour interroger l’attaquant, sous garde armée dans un hôpital de Dublin. Il souffre en effet de blessures à la tête, et était par ailleurs dans « une sorte d’épisode psychotique lorsqu’il a attaqué les enfants et l’employée de la crèche ». Selon le Daily Mail, l’homme vivait dans un foyer de la municipalité de Dublin avant de déchaîner sa violence dans le centre de la capitale jeudi après-midi.
Très rapidement jeudi, la rumeur avait couru sur les réseaux sociaux que l’attaquant était d’origine étrangère. Et des violences inédites avaient éclaté dans Dublin, quelque 500 émeutiers incendiant des véhicules, pillant des commerces et s’en prenant aux forces de l’ordre. Des manifestants brandissaient des drapeaux irlandais et des pancartes « Irish Lives Matter » (« les vies irlandaises comptent »). Ce discours a été relayé par la star irlandaise du MMA, Conor McGregor, suivie par des millions de personnes sur les réseaux sociaux. « Nous ne perdrons pas davantage de femmes et d’enfants victimes de personnes tordues qui ne devraient même pas être en Irlande. Nous sommes en guerre » a-t-il affirmé sur X (anciennement Twitter). La police a dénoncé des agitateurs « d’extrême droite ».
Ces émeutes témoignent de manière spectaculaire de la montée d’un sentiment anti-migrants en Irlande. Les tensions sont alimentées par une pression migratoire conjuguée à une pénurie de logements. L’arrivée de migrants venus de Libye et de Syrie, puis d’Ukrainiens fuyant la guerre, a exacerbé ces problèmes sociaux. Dans ce pays de 5,3 millions d’habitants, près de 100.000 réfugiés sont arrivés d’Ukraine, soit l’une des proportions les plus élevées de l’UE par rapport à la population. Le nombre de demandeurs d’asile a augmenté de façon spectaculaire ces dernières années, saturant le système. Selon des chiffres officiels, les demandes d’asile ont été multipliées par plus de cinq en 2022 par rapport à 2021.
Ces derniers mois, des hôtels abritant des demandeurs d’asile ont été assiégés et des campements de tentes brûlés. En mai, la police recensait déjà 127 manifestations « anti-immigration » depuis le début de l’année.