Sean Penn superstar. Déjà présent sur scène jeudi soir lors de la cérémonie d’ouverture de la 73ème Berlinale pour accueillir Volodymyr Zelensky en visio, l’acteur et réalisateur américain était très attendu dans la capitale allemande pour son documentaire, Superpower, coréalisé avec Aaron Kaufman. Au départ, Penn voulait raconter l’itinéraire d’un acteur comique devenu président. Présent à Kiev le 24 février 2022 lors de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, Penn a changé son fusil d’épaule. Ou plutôt les événements l’ont conduit ailleurs, sans que l’on sache très bien où. Penn a le mérite d’être honnête : « Je ne connais rien à l’Ukraine ». Il n’a jamais entendu parler de l’annexion de la Crimée, ni de Maïdan. Et Superpower semble avant tout destiné aux Américains, dans le genre « L’Ukraine pour les nuls ». Mais la star hollywoodienne âgée de 62 ans ne se contente pas de jouer les pédagogues depuis sa villa de Santa Monica.

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Penn mouille la chemise. Il est de toutes les scènes, de tous les plans. Penn avec le maire de Kiev, l’ancien champion de boxe Vitali Klitschko. Penn avec le ministre de la défense ukrainien. Penn avec le ministre des affaires étrangères ukrainien. Penn avec le Premier ministre polonais (il porte pour l’occasion une cravate). Penn avec une casquette dans sa berline pour traverser l’Ukraine. Penn avec un gilet pare-balles tirant une valise à roulettes. Penn avec une habitante de Kiev qui lui montre son appartement éventré après un bombardement. Penn en Face Time avec Miles Teller, le partenaire de Tom Cruise dans le dernier Tom Gun, pour encourager les pilotes ukrainiens. Penn au concert des Dakh Daughters, groupe de rock féminin. Penn dans une tranchée casque sur la tête près de la ligne de front avec des soldats désormais convaincus que leur président «a des couilles». Penn sur le plateau de Fox News pour convaincre le peuple américain de soutenir l’Ukraine.

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Chaque séquence, filmée à l’arrache même quand il n’y a pas de raison de se presser, dure entre vingt et trente secondes. Le montage à la hache brasse des bribes d’interviews et des images des chaînes d’information ou des vidéos des réseaux sociaux. Le résultat est un fatras indigeste. Les échanges entre Penn et Zelensky ne volent pas beaucoup plus haut. « Quelle est la position des États-Unis ? », demande l’acteur américain. « Elle pourrait être plus ferme », répond le président ukrainien. Les deux hommes s’enlacent, s’envoient des compliments. (« C’est important que vous soyez là », « On a senti que vous étiez né pour ce moment »).

On aperçoit souvent une bouteille de vodka sur une table. L’alcool n’excuse pas tout mais il explique en partie le caractère erratique des conversations. Penn, cheveux en pétard, n’a que les mots « liberté » et « démocratie » à la bouche pâteuse. Superpower, mauvais clip de propagande de deux heures à la gloire de Zelensky et surtout de Penn, n’a pas que des défauts. Tout du moins, il a une qualité. Faire passer Bernard-Henry Lévy, dont le film en hommage à la résistance des Ukrainiens, Slava Ukraini, sort mercredi en salles, pour un modèle d’humilité et un spécialiste de géopolitique.