En un demi-siècle, le nombre de cas d’obésités a presque triplé à l’échelle planétaire. La France n’est pas épargnée par cet enjeu majeur de santé public: selon une étude coordonnée par des chercheurs de l’Inserm et du CHU de Montpellier, près d’un adulte Français sur deux est aujourd’hui en situation de surpoids ou d’obésité.
Pour rappel, un adulte est considéré en surpoids quand son indice de masse corporelle (IMC**) est égal ou supérieur à 25 et obèse quand son IMC est égal ou supérieur à 30. L’obésité peut être causée par divers facteurs− alimentaires, génétiques, environnementaux – et peut entraîner des complications sévères, augmentant notamment le risque de maladies cardiovasculaires (première cause de décès dans le monde), de diabète, de nombreuses formes de cancers.
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L’étude publiée ce lundi dans la revue Journal of Clinical Medicine constate que 47,3 % des adultes français sont en excès de poids (surpoids et obésité), dont 17 % en situation d’obésité, en 2020. À titre de comparaison, l’excès de poids concerne 70 % de la population américaine. Si on compare ces chiffres à ceux des précédentes études, en l’occurrence la série d’enquêtes Obépi-Roche réalisées tous les trois ans de 1997 à 2012, la population en surpoids fluctue toujours autour de 30 %, tandis que le pourcentage de personnes souffrant d’obésité ne fait que croître, à un rythme soutenu. Il a en effet doublé en un peu plus de deux décennies (passant de 8,5 % en 1997 à 17 % en 2020).
Contrairement donc aux espoirs « tant des pouvoirs publics que des professionnels de santé, depuis la mise en œuvre du Programme national nutrition santé en 2001, l’obésité en France ne fait que s’accroître, année après année », soulignent dans un communiqué Annick Fontbonne, chercheuse à l’Inserm et David Nocca, médecin au CHU de Montpellier, qui ont dirigé l’étude.
Âge, sexe, catégories socioprofessionnelles : tous les Français ne sont pas égaux face à ce problème sanitaire. L’excès de poids concerne ainsi davantage les hommes (53,5 %) que les femmes (41,3 %), mais pour l’obésité, c’est l’inverse : elle touche plus les femmes (17,4 %) que les hommes (16,7 %). Autre constat : les plus âgés sont plus touchés, l’obésité concernant 19,9 % des 65 ans et plus, contre 9,2 % des 18-24 ans. « La tendance à la hausse a été particulièrement marquée pour le groupe d’âge le plus jeune », souligne toutefois l’étude : depuis 1997 en effet, l’obésité chez les 18-24 ans a été multipliée par plus de quatre.
S’ils rappellent que les méthodologies des études antérieures étaient « légèrement différentes » et que les tendances doivent être confirmées, les auteurs de la publication appellent à « renforcer les politiques et les actions de prévention de l’obésité, en mettant l’accent sur les plus jeunes ». « Un tiers des adultes souffrant d’obésité l’étaient dès l’enfance, donc combattre l’obésité chez les jeunes est le meilleur moyen de diminuer fortement le nombre d’adultes obèses et des maladies associées. N’attendons pas qu’il soit trop tard », abonde ainsi Philippe Froguel, professeur d’endocrinologie au CHU de Lille et de médecine génomique à Imperial College London (qui n’a pas participé à l’étude).
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Des différences existent aussi selon les régions, avec une disparité assez marquée entre le nord et le sud. Le taux d’obésité est plus élevé (plus de 20 %) dans le nord et l’est de la France (atteignant 22,1 % des personnes dans les Hauts-de-France), et est au contraire plus bas en Île-de-France (14,2 %) et dans les Pays de la Loire (14,4 %). L’excès de poids dépend aussi de facteurs socioprofessionnels : il concerne 51,1 % des ouvriers d’usine, 45,3 % des employés, et 35 % des cadres.
«Le meilleur traitement de l’obésité c’est la prevention», a rappelé David Nocca en conférence de presse. Si prévention et changement de comportements dans le mode de vie (alimentation, activités physiques) restent indispensables, « il est également nécessaire de reconnaître qu’il s’agit d’une pathologie chronique complexe, à laquelle il convient aussi d’apporter des réponses sur le plan thérapeutique », note l’Inserm dans un communiqué. Avec un défi majeur : maintenir la perte de poids dans le temps.
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Parmi les solutions, la chirurgie de l’obésité, dite bariatrique, pour les cas les plus graves : elle consiste, par différentes techniques (« sleeve », « bypass » ou anneau gastrique) à modifier l’anatomie du système digestif pour restreindre l’absorption des aliments. Elle permet une perte allant jusqu’à environ 25 % du poids total, mais reste un processus contraignant.
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L’Inserm note que ces dernières années, une nouvelle génération de médicaments – déjà prescrits contre le diabète de type 2 mais qui ne sont pas encore sur le marché pour traiter l’obésité – a des effets encourageants, entraînant des pertes de poids « de plus de 10 % du poids total chez plus de deux tiers des participants aux essais cliniques ». Ces traitements reproduisent l’action d’hormones intestinales appelées «incrétines», qui contribuent à la régulation de l’appétit. « Des données à long terme sur la sécurité, l’efficacité et les résultats cardiovasculaires sont attendues afin d’aller vers une mise sur le marché de ces traitements», conclut l’Inserm.
*L’étude à l’initiative de la Ligue contre l’obésité, s’appuie sur des questionnaires collectés par l’institut de sondage Odoxa sur un échantillon de 9 598 personnes résidant en France métropolitaine, âgées de 18 ans ou plus, constitué par la méthode des quotas.
**L’IMC (indice de masse corporelle) est calculé en divisant la masse corporelle (en kg) par le carré de la hauteur (en mètre). Par exemple, une personne de 1,70m pour 75kg aura un IMC de 25,95, soit légèrement en surpoids.