À croire que le confort d’une belle maison ne lui manquait pas. Jusqu’à il y a encore quelques jours, Harry Kane logeait dans une chambre d’hôtel en attendant de se trouver un domicile en Bavière. Ce léger inconvénient ne s’est jamais vu aux abords de Säbener Strasse, le centre d’entraînement du Bayern Munich, ou de l’Allianz Arena, au contraire de son sourire ravageur et des filets qui tremblent, match après match. Acheté pour 95 M€ à Tottenham cet été, Kane est comme un poisson dans l’eau chez l’ogre bavarois.
«Je me sens bien, je me sens chez moi ici, a-t-il récemment déclaré au micro de Sky Sport Germany. Tout le monde m’a très bien accueilli, que ce soit les joueurs, le staff, le club ou les supporters. Je veux juste les remercier à chaque fois que je sors sur le terrain.» Il y arrive bien : 22 buts et 7 passes décisives en 17 matches. Statistiques déraisonnables pour attaquant hors-pair. «Je m’attendais à ce qu’il soit très bon, mais pas au niveau auquel il joue en ce moment», s’est émerveillé son coéquipier Jamal Musiala, leader du Bayern la saison dernière, qui a trouvé en Kane un relais pour prendre cette responsabilité.
Rien de très nouveau pour celui qui était encore, jusqu’à cet été, l’homme d’un seul club, Tottenham. À 30 ans, et après nombre de saisons frustrantes collectivement, Kane est parti le cœur lourd et en très bons termes avec les Spurs, qu’il a longtemps porté sur ses épaules. «Pour moi, c’était toujours clair : ce qu’il est capable de faire, il peut le réaliser sur n’importe quel terrain du monde», soutenait son nouvel entraîneur, Thomas Tuchel, début novembre. Mais ce dernier ne pouvait pas imaginer que «ça fonctionne aussi bien». Même au Bayern Munich, l’un des plus grands clubs du monde, on n’a jamais vu ça.
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Vendredi dernier contre Cologne (0-1), il est devenu le premier joueur de l’histoire de la Bundesliga à inscrire 18 buts après les 12 premières journées, effaçant Gerd Müller des tablettes. Il a déjà plus marqué en 12 matches que Robert Lewandowski sur l’intégralité de sa première saison munichoise (17 en 2014-15). S’il garde ce rythme, Kane battra le record de buts sur une saison de Bundesliga (41 par Lewandowski en 2020-21). Il fait déjà mieux que Christopher Nkunku et Niclas Füllkrug, co-meilleurs buteurs du championnat la saison passée avec 16 réalisations chacun, alors qu’on en au tiers de l’exercice en cours. Banalisation de l’exceptionnel.
Les raisons de tels chiffres sont simples. Il y a d’abord le talent de Kane, son sens du placement, son aisance des deux pieds et de la tête et sa grande forme physique. Elle lui permet non seulement de suivre les contre-attaques et rester lucide, mais aussi d’enchaîner les matches : le capitaine de l’Angleterre a débuté tous les matches du Bayern en Bundesliga et en Ligue des champions. À la clé, un bilan quasi parfait de 15 victoires et 2 nuls, avec une première place de groupe en C1 assurée avant même la 5e journée et la réception de Copenhague mercredi (21h).
Au-delà de la finition, Kane est un joueur complet, meilleur passeur décisif de Premier League en 2020-21 (14). «C’est plus simple de jouer à ses côtés que ce que je pensais», savoure Musiala. C’est aussi un attaquant arrivé à maturité, qui a «apporté toute son expérience» au Bayern, apprécie le gardien et capitaine bavarois de 37 ans, Manuel Neuer. C’est aussi «une personne géniale», a loué Tuchel. Des compliments qui pleuvaient déjà outre-Manche sur le meilleur buteur de l’histoire de la sélection anglaise (62 buts).
Demeure un point noir, et de taille : le palmarès d’Harry Kane est vierge. Tottenham, qui n’a plus été champion d’Angleterre depuis 1961, n’a pas fait mieux qu’une 2e place en 2017 avec lui. Il y a eu trois finales perdues avec les Spurs (Coupe de la Ligue 2015 et 2021, Ligue des champions 2019), et une avec l’Angleterre (Euro 2020). Malédiction ? Certains le pensent. Il n’a pu éviter la défaite du Bayern en Supercoupe d’Allemagne contre Leipzig le 12 août dernier (0-3), et n’a pas joué lors de celle au 2e tour de la Coupe d’Allemagne contre Sarrebruck (2-1), club de 3e division.
C’est pour enfin gagner des trophées que Kane a dit adieu à Tottenham, dont il reste le meilleur buteur de son histoire, et rallié le puissant collectif munichois. La Ligue des champions ? Le Bayern, sacré en 2020, fait partie des favoris. La Bundesliga ? Il en est le décuple champion en titre, mais pas le leader actuel, devancé par l’étonnant Bayer Leverkusen entraîné par Xabi Alonso (11 victoires, 1 nul). Normalement, d’ici quelques mois, Kane aura corrigé l’anomalie et fêtera enfin un titre. Il le mériterait bien, au moins une fois.