Préavis de grève du 5 au 31 décembre: les cinq organisations syndicales de Casino, «inquiètes» du devenir du groupe en raison de la possible vente de nouveaux supermarchés et hypermarchés synonyme pour eux de «dépeçage», ont lancé la mobilisation générale. Ce préavis de grève, qui court jusqu’au 31 décembre, «concerne l’ensemble des salariés et des gérants du groupe Casino», ont déclaré dans un communiqué commun vendredi les cinq organisations représentatives du groupe (FO, CGT, CFDT, UNSA, CFE-CGC) réunies en intersyndicale.
Il a été décidé en raison du «manque de considération» à l’égard des salariés et de leurs représentants, par rapport à «la situation inquiétante du devenir de l’intégrité de Casino» – qui comptait encore, à fin 2022, 200.000 salariés dans le monde dont 50.000 en France sous des enseignes bien connues comme Monoprix, Franprix ou Pao de Acucar au Brésil.
Etranglé par son endettement, le groupe s’est accordé avec ses créanciers fin juillet pour une restructuration très importante de sa dette, accompagnée d’un changement d’actionnariat avec une prise de contrôle par le milliardaire tchèque Daniel Kretinsky, le Français Marc Ladreit de Lacharrière et le fonds britannique Attestor.
Le passage de témoin de celui qui est encore PDG et premier actionnaire du groupe, Jean-Charles Naouri, est prévu au premier trimestre 2024. Dans l’immédiat, une grande journée de mobilisation a été décidée mardi 5 décembre, au siège social du groupe à Saint-Etienne (Loire) ainsi qu’à Vitry-sur-Seine, dans le Val-de-Marne, où se trouve notamment le siège de Monoprix.
Dans la Loire, où le groupe de distribution est né voici 125 ans, l’intersyndicale appelle à une mobilisation qui doit débuter par un rassemblement à partir de 9H devant le siège social, où travaillent 2.000 personnes et dont l’avenir est au coeur des inquiétudes. Est ensuite prévue une manifestation dans les rues de Saint-Etienne jusqu’à la préfecture et la mairie. Casino, fondé par Geoffroy Guichard qui a donné son nom au stade de football l’AS Saint-Etienne, emploie environ 4.000 personnes dans la Loire.
La mobilisation est inédite car les syndicats craignent «un dépeçage du groupe», depuis que Casino s’est dit prêt à étudier des «marques d’intérêt» de concurrents pour le rachat d’hypermarchés et de supermarchés pas encore été cédés par le distributeur. Malgré la situation critique de l’entreprise, ses magasins suscitent des convoitises dans un secteur très concurrentiel où l’acquisition de nouveaux points de vente permet de gonfler ses parts de marché, une donnée cruciale dans le rapport de force avec les fournisseurs de l’agro-industrie. Plus la part de marché est grande, moins l’industriel peut se passer de fournir cet acteur et plus il est enclin à lui accorder de meilleures conditions de vente.
Serge Papin, administrateur depuis janvier 2023 d’Auchan International, a officiellement confirmé une candidature commune avec Intermarché pour la reprise des magasins Casino. «Les emplois sont gardés dans le projet» d’Auchan et d’Intermarché, a-t-il affirmé, tout en nuançant: «il y aura peut-être quelques outils logistiques» inclus dans l’offre de reprise, «mais il s’agit surtout des magasins». Intermarché s’est déjà accordé avec Casino il y a quelques mois pour le rachat de 119 magasins, plus une soixantaine en option.
Interrogés par l’AFP au sujet de cette offre, les porte-paroles de l’intersyndicale ont fait part de leur colère. «Les salariés éprouvent une énorme déception» au sujet de la direction actuelle «qui nous met devant le mur», a déclaré Nathalie Devienne, estimant que «dans tout ça personne ne se soucie des salariés Casino». «Personnellement, cela m’inspire un fort dégoût, le sentiment d’être vraiment considéré comme une boite de conserve», a déploré Jean Pastor, de la CGT. Les syndicats ont demandé à rencontrer la direction actuelle et les repreneurs.
Auprès de l’AFP, un porte-parole du groupe EP du milliardaire tchèque Daniel Kretinsky en France avait assuré mardi être «attaché au maintien d’un siège à Saint-Étienne», assurant que les cessions de magasins «n’affecteraient en rien notre volonté de devenir l’actionnaire de contrôle de Casino et d’investir dans le développement du reste du périmètre», notamment Monoprix et Franprix.