Drame de Sylvain Desclous, 1 h 45
Antoine a emmené sa petite amie en vacances chez son père. Madeleine est pure et exaltée. Écologiste et féministe, elle a tout pour plaire. Lui est faible et obéissant. On en aura la preuve au cours d’un dîner où la jeune fille secoue les invités par ses propos directs, enflammés. Normalement, au grand oral du concours, elle devrait faire un malheur. Il suffira d’un rien, un stupide doigt d’honneur adressé à un autochtone qu’on dépasse sur la route, pour que les choses basculent. Antoine se bagarre avec l’automobiliste local. Bilan: un mort. Bref moment d’affolement: le couple décide d’enterrer l’arme dans un bosquet et de ne rien dire à la police. Ce secret pourrira leurs relations. Sylvain Desclous renoue avec le cinéma politique, signe un film propre, efficace, sans bavures. On y montre les menues compromissions, la lâcheté masculine, les accommodements avec la vérité. Le frêle et dégarni Benjamin Lavernhe est désemparé, fuyant en diable. Pas facile de tenir tête à cette Rebecca Marder qui est en train d’envahir les écrans français avec une fougue, une sérénité, un naturel qui confondent. Elle a compris que le talent, comme la jeunesse, était un risque à courir. E. N.
Drame de Maryam Touzani, 2h03
Avec Le Bleu du caftan, son deuxième film multiprimé à travers dans le monde, la cinéaste marocaine Maryam Touzani s’impose en beauté. L’inspiration lui est venue d’une rencontre fortuite. « J’ai fait la connaissance de cet homme formidable tout à fait par hasard dans la médina de Casablanca à l’été 2019, se souvient la jeune femme. Grâce à lui, j’ai eu envie d’explorer la manière dont on peut vivre le poids du non-dit à travers une histoire d’amour. » Le film tourné en sept semaines joue avec finesse sur l’ombre et la clarté qui baignent les ruelles de la médina. « À l’heure actuelle, il est de plus en plus difficile de trouver des caftans de cette qualité. La transmission entre les générations s’est brisée. C’est aussi de cela que parle le film. » C’est avec la même pudeur et une douce détermination que la réalisatrice parvient à parler de l’homosexualité. O. D.
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Drame de Denis Imbert, 1h35
C’est un film buissonnier, comme une escapade qui offre aux spectateurs une pause dans l’incessant vacarme du monde. Jean Dujardin y endosse le rôle de l’écrivain voyageur Sylvain Tesson avec suffisamment de naturel pour se l’approprier, sans oublier de s’éloigner du modèle, tout en respectant sa philosophie. L’itinérance du personnage sur les sentiers discrets et peu fréquentés, les fameux chemins noirs sur les cartes IGN, prend la forme d’un chemin de croix personnel. Dujardin expose sur grand écran son visage meurtri, dont les cicatrices dessinent une carte hurlante de sa souffrance. Il chemine à l’occasion avec des êtres chers (Joséphine Japy, Izïa Higelin, Anny Duperey, Jonathan Zaccaï ou Dylan Robert) comme avec des compagnons de hasard. Sur les chemins noirs invite à prendre la poudre d’escampette au cœur de cette France aux paysages rudes filmée de manière viscérale et sensorielle. On en ressort rasséréné, avec des fourmis dans les pieds. O. D.
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Drame de Manuela Martelli, 1h40.
Gros plan sur un pot de peinture bleue, auquel le boutiquier est en train d’ajouter une touche de rose… Soudain, dans la rue, des éclats de voix, une détonation, des cris, et le bruit d’une voiture qui démarre en trombe. La caméra est restée figée sur le seau de peinture. Dans la droguerie, tout le monde s’est arrêté. Puis la vie reprend son cours comme si de rien n’était. Trois ans après le coup d’état de Pinochet, l’héroïne de Chili 1976 Carmen s’occupe de superviser la rénovation de la maison familiale en bord de mer. C’est elle qui faisait ses mélanges de peinture dans la boutique… Elle tente d’ignorer la mise en place de la dictature. Mais un matin, le père Sanchez, le vieux prêtre qui la connaît depuis de nombreuses années lui demande de s’occuper d’un jeune inconnu qu’il héberge secrètement. L’élégante maîtresse de maison bourgeoise se retrouve progressivement entraînée vers l’illégalité et le secret un univers tellement éloigné de sa vie bourgeoise et tranquille… Premier long métrage de la réalisatrice et actrice chilienne Manuela Martelli, Chili 1976 s’apparente autant à un drame historique sur les sombres heures de la dictature chilienne qu’à un thriller plein de suspense. Au centre de l’intrigue, Carmen (magnifiquement incarnée par Aline Küppenheim), permet au spectateur de s’identifier au drame diffus qui a envahi son pays. La prise de conscience est progressive, mais réelle. Par petites touches successives, apparaît bel et bien la noirceur du couvercle qui obscurcit le Chili. Comme si le pot de peinture du début du film s’assombrissait dès lors qu’on le mélange…O. D.
Drame de Joanna Hogg, 1h36
Le Centre Pompidou vient de consacrer une rétrospective à la cinéaste britannique Joanna Hogg. L’occasion de revoir le superbe diptyque The Souvenir Part I