On pourrait croire qu’il s’agit du scénario du prochain film d’horreur à l’affiche. Neuf matelots sont reclus depuis vendredi dernier sur un bateau de 50 mètres de long tombé en panne à seulement quelques encablures des côtes françaises, entre Lorient et l’Île de Groix. La tension est montée dimanche entre les marins de sept nationalités différentes (syrienne, chypriote, roumaine, grecque, birmane, finlandaise et géorgienne). Tandis que les vivres viennent à manquer à bord, les trois marins géorgiens ont demandé de l’aide à l’International Transport worker’s Federation (ITF), le syndicat international des marins. Leurs congénères n’ont pas goûté ce SOS et l’ont fait savoir par des coups. Une bagarre aurait éclaté à bord.

Ce navire brise-glace portant le nom de «Sky III» a quitté le port de Rotterdam pour les côtes chypriotes, avant d’être contraint au mouillage près de Lorient en raison d’une «avarie de propulsion». Le bateau, construit en 1966, vient d’être racheté par un armateur qui voulait engager des réparations à Chypre. Contacté par l’ITF, l’armateur s’est engagé à livrer les pièces nécessaires au bon fonctionnement du bateau dans les plus brefs délais ainsi que de la nourriture pour subvenir aux besoins de ses employés. «L’arrivée des vivres est encore retardée par des problèmes météo», informe Laure Talloneau, inspectrice maritime pour l’ITF et membre de la CGT, en lien avec les marins à bord.

Les trois marins géorgiens implorent d’être débarqués et payés. Ils ont trouvé un relais sur la terre ferme auprès de la CGT des Marins du Grand Ouest. Le syndicat dénonce une situation «ubuesque» et «honteuse» et en appelle aux autorités. «Les arriérés de salaires sont considérables, car aucun salaire n’a été perçu depuis le début de leur contrat», indique le syndicat. Laure Talloneau précise que le bateau bat pavillon tanzanien, soit «l’un des pires pavillons au monde» en matière de respect du droit international. «Il est très rare de voir des bateaux avec le pavillon de la Tanzanie en Europe tellement ils sont pourris», ajoute-t-elle.

Laure Talloneau et la CGT réclament à l’unisson une inspection du bateau, aussi bien technique que sociale, avant de délivrer la moindre autorisation à reprendre la route vers Chypre. «Qui osera signer le document lui permettant de reprendre la mer ?», s’estomaque la CGT dans un communiqué, criant au «dumping social» et s’insurgeant qu’un tel navire (une «épave» sous leur plume) ait été autorisé à reprendre la mer. Contactée, la préfecture de la mer n’a pas donné suite à notre sollicitation dans l’immédiat.