Problèmes administratifs, retrait de points, neuvième place en championnat… Après avoir été tout proche d’accéder au Top 14 la saison dernière, le FCG, club de rugby grenoblois, traverse un début de saison tumultueux. Rien d’insurmontable bien sûr, puisqu’ils ne sont qu’à trois points des places qualificatives pour les phases finales avant de se déplacer à Rouen, ce vendredi soir, dans le cadre de la 13e journée du championnat de deuxième division. Ce qu’ils doivent en partie à leur nouvel ouvreur, Sam Davies. L’international gallois (30 ans, 10 sélections) a traversé la Manche durant l’intersaison pour rallier la capitale des Alpes et réaliser un pari qui s’avère, pour l’instant, gagnant.

«Sorry, can we do it in English ?» Malgré les cours de français qu’il suit de façon assidue depuis son arrivée dans l’Hexagone, Sam Davies ne maîtrise pas encore parfaitement la langue de Molière. Et c’est bien le seul point sur lequel il lui reste à s’adapter. Présent au club depuis maintenant quatre mois, il domine le classement des meilleurs réalisateurs avec la bagatelle de 136 points inscrits.

Le Gallois ne semble pas avoir le mal du pays selon ses propres dires, et au vu de ses performances sur le terrain : «Ce qu’offre Grenoble c’est une nouvelle culture, un challenge complètement nouveau dans une nouvelle ligue et c’est ce que je recherchais. […] En plus c’est dans une belle ville en France avec les pistes de ski juste à côté !»

Pourtant, et même s’il n’en donne pas l’impression, il s’agit de sa première expérience hors du championnat gallois. Un championnat qui comporte de réelles disparités avec la Pro D2 : «les deux principales différences, c’est que c’est plus physique et qu’on a plus de libertés dans le jeu. Chaque semaine, je joue contre des Fidjiens, des Tongiens et des Samoans super costauds !»

Il cumule 234 matches disputés en Union Rugby Championship (ex-Ligue celte) sous le maillot des Ospreys, avec qui il a été élu meilleur joueur junior au monde en 2013, puis des Dragons. Un long vécu sur les terrains qui lui a notamment donné l’occasion de côtoyer quotidiennement l’emblématique ex-capitaine gallois, désormais retraité en sélection, Dan Biggar : «On jouait souvent ensemble, lui en 10 et moi en 15. C’était évidemment un excellent joueur, le compétiteur ultime ! […] On était à l’école ensemble, et même s’il avait quatre ans de plus, il prenait toujours le temps et on a beaucoup discuté. C’est toujours sympa de se recontacter», assure-t-il au Figaro.

Le FCG se cherchait un nouveau buteur cet été, et il semble avoir fait bonne pioche. Depuis son arrivée, et après douze rencontres de Pro D2, le buteur gallois donne pleine satisfaction dans l’exercice. Avec 136 points inscrits au pied, il est actuellement le meilleur buteur du championnat. Un talent certain certes, mais d’abord et surtout beaucoup de travail qui a commencé très tôt.

«Quand j’étais jeune ç’a été une grande part de mon entraînement, je m’entraînais tous les jours.» Ce qui lui a permis d’obtenir le meilleur pourcentage de réussite sur une saison au pays de Galles, et d’être lauréat du « Golden boot » (botte d’or) en 2017. Son objectif est d’être toujours au-dessus des 80% de réussite au pied. «Et maintenant, vous êtes à combien ?» «85%», répond-il avec un sourire. À titre de comparaison, Joe Simmonds, meilleur buteur du Top 14 cette saison, tourne à 88,9% de réussite (106 points inscrits). Une précision face aux perches précieuse pour le FCG cette saison, qui s’est souvent appuyé sur sa botte pour prendre des points.

Si son arrivée en Pro D2 s’apparente pour le moment à un conte de fées, les raisons de son départ, elles, sont moins heureuses. Au printemps dernier, le rugby gallois traversait une crise majeure incluant des baisses de salaires significatives et une instabilité pour les joueurs. Une situation qui a poussé Davies à s’exiler, et qui a mis en suspens sa carrière internationale. En cause, la règle des 25 sélections : pour pouvoir porter le maillot gallois tout en jouant dans un autre championnat national, un joueur doit compter au moins 25 sélections avec le XV du Poireau. Or, Davies n’en compte que dix, qu’il a cumulées entre 2016 et 2017. Une situation dont l’ouvreur grenoblois est conscient : «J’ai deux ans de contrat à Grenoble, et je ne peux pas jouer pour le pays de Galles pendant ce temps. Donc je suis uniquement concentré sur le club maintenant : essayer de ramener Grenoble en Top 14.»

Malgré tout, et comme tous les amateurs de rugby, il a suivi la Coupe du monde en France, dont le résultat final l’a surpris : j’ai cru que la France allait gagner ! Surtout après la victoire face à la Nouvelle-Zélande au match d’ouverture. Ça m’a rendu un peu triste, comme j’ai vécu la compétition en France. Mais j’imagine que, dans quatre ans, ils seront prêts à la remporter …»

Plus récemment, c’est l’un de ses coéquipiers en sélection qui a pris sa retraite. Alun Wyn Jones, joueur le plus capé de l’histoire en sélection (170), a mis fin à ses aventures sur les terrains de rugby. Une légende galloise, et «un type phénoménal». «En plus d’avoir été un joueur exceptionnel, c’est aussi un être humain formidable. Je ne pense pas que quelqu’un pourra battre son record de sélections».

En plus de son activité de joueur de rugby professionnel, Sam Davies s’est récemment lancé dans un nouveau challenge : l’entrepreneuriat. Aidé de sa femme, Elianna Davies, il a monté une entreprise de spiritueux, TocaVida, vainqueur du trophée des PME galloises 2023. Leur spécialité ? Le gin bien sûr ! Un produit dont il est «fier de là où il en est aujourd’hui».

Mais combiner la vie d’athlète de haut niveau et celle d’entrepreneur n’est pas de tout repos, et il confie volontiers s’appuyer sur sa compagne : «elle est très forte dans ce domaine, elle met beaucoup de temps et d’effort dedans». Avec quel objectif désormais ? L’exporter en Isère, où le couple habite : «on a réussi à obtenir un distributeur à Grenoble, C’était important pour nous car la ville est une part de ma vie maintenant».

Si Sam Davies continue à se montrer aussi adroit devant les perches, les supporters grenoblois pourraient bien l’en remercier, et se faire plaisir, en essayant son gin avant d’aller au stade…