Hier encore, le reggaeton était inconnu en France. Aujourd’hui, ce style musical remplit des stades «Arrivé depuis cinq ou six ans en France», ce genre a toute sa place dans les courants musicaux actuels raconte Angelo Gopee, le directeur général du festival Lollapalooza Paris. «Les gens voyagent beaucoup maintenant en Amérique du Sud, et avec les plateformes de streaming, on écoute de plus en plus de reggaeton, explique le directeur du festival. Le reggaeton est un art de vivre, on l’écoute, on le danse, on vit avec.»

Le reggaeton, c’est ce style de musique aux accents hip-hop originaire des quartiers pauvres de Porto Rico, que l’on qualifie souvent à tort de «latino». Il naît dans les années 90, et est d’abord combattu pour son caractère sexuel. En cause : des paroles explicites et une danse provocante, le perreo. Mais le reggaeton persiste et signe. Succès mondial dans les années 2000, il fait de la petite île des Caraïbes le berceau de ce style musical. Aujourd’hui, la plupart des grandes stars de reggaeton telles que Bad Bunny, Rauw Alejandro ou encore Daddy Yankee en sont originaires.

S’il n’y avait qu’un nom à retenir, ce serait celui de Bad Bunny. Désigné pour la troisième année consécutive comme l’artiste le plus écouté sur la plateforme d’écoute Spotify, il enregistre plus de 15,8 milliards de streams en 2022. Il se lance en 2016 et connaît vite le succès grâce à un savant mélange de styles : hip-hop, pop, trap, R

En février, il ouvre la 65e cérémonie des Grammy Awards avec Un Verano Sin Ti, titre de son dernier album imprégné de mambo et de merengue (style musical originaire de République dominicaine NDLR). Un hommage électrique à son île natale qui a fait danser la salle des Grammy. Nommé neuf fois par cette académie, il a déjà gagné trois Grammy Awards. Et lui qui a déjà fait la tête d’affiche des festivals parisiens Lollapalooza en 2019 et We Love Green en 2021 a été invité à se produire à Coachella cette année. Preuve d’une vraie avancée pour cette musique et la langue espagnole face à l’anglais.

Rosalía est l’autre tête d’affiche de Coachella qui se produira sur plusieurs scènes françaises cet été. Artiste catalane révélée en 2016 grâce à Antes de Morirme, elle est surtout connue pour avoir ramené le flamenco au goût du jour. Tombée amoureuse de ce style à 13 ans, elle reprend systématiquement les rythmes traditionnels, les symboles religieux, la danse et même l’accent andalou dans ses morceaux.

Rosalía, c’est une voix particulière qu’on reconnaît dès les premières notes. Et en plus d’être dotée d’un vrai talent, elle a du flair pour signer de bonnes collaborations. En 2020, elle sort un titre avec Travis Scott, TKN. Puis La Fama avec The Weeknd en 2021. Elle chante aussi Lo Vas A Olvidar aux côtés de Billie Eilish qui apparaît dans la bande-son de la série Euphoria. Elle collabore avec des artistes anglophones, mais elle n’en oublie pas sa langue natale. L’Espagnole connaît un succès sans précédent grâce à La Noche de Anoche avec un certain… Bad Bunny ! Elle a sorti récemment trois nouveaux titres dont Beso avec son fiancé Rauw Alejandro, qui ont fait trembler Internet. Il l’a rejoint sur la scène de Coachella pour interpréter deux de leurs nouvelles chansons, enflammant les fans. Rosalía sera présente au Festival Lollapalooza ainsi qu’aux Vieilles Charrues.

Le festival Lollapalooza est né aux États-Unis en 1991 avant de se décliner dans plusieurs pays dont la France en 2017. Il se tient sur un week-end en juillet à l’hippodrome Longchamp. «On veut amener les gens à découvrir de nouveaux artistes et courants musicaux, explique Angelo Gopee. Pour ça, on propose une programmation et des affiches différentes. Il faut être à la pointe des courants, savoir prendre des risques et proposer ce qu’il y a de mieux.»

Présentant une programmation assez éclectique de 70 artistes en 3 jours, Lollapalooza représente bien la diversité musicale actuelle. En 2018, Dua Lipa y est invitée, puis explose dans les mois suivants dans la catégorie pop. L’été dernier, la manifestation parisienne accueille l’artiste argentin Bizarrap, parfait inconnu à l’époque. Producteur de musique aiguisé, il réalise de nombreuses collaborations pour sublimer les voix des artistes. En janvier, il travaille avec Shakira. Ce titre intitulé Bzrp Music Sessions, Vol.53 dans lequel la Colombienne prend sa revanche sur son ex, Gérard Piqué, devient un succès planétaire avec 425 millions d’écoutes sur Spotify.

Le festival Lollapalooza qui existe aussi en Inde, en Argentine ou encore Allemagne, n’est pas le seul à accueillir des artistes hispanophones. À Chicago, c’est Karol G qui a été invitée en tête d’affiche. La chanteuse colombienne qui a, elle aussi, collaboré récemment avec Shakira est devenue «un phénomène de société». Promouvant un reggaeton féministe, elle fait partie de la nouvelle génération de chanteuses de reggaeton. Grâce à ses textes qui renversent l’ordre établi, elle parle aux femmes qui s’identifient à elle. «Depuis des générations, on s’identifie à des chansons écrites par des hommes et on essaie de se conformer à leur point de vue, a-t-elle expliqué au média en ligne Brut début mars. C’est clairement une idée importante dans toutes mes chansons, de représenter les femmes, pour que, quand elles chantent, elles se reconnaissent. C’est pour ça que je parle de tout, sans limites, sans tabous, sans réserves, sans préjugés.»

Quid du reggaeton français ? Il peine à voir le jour d’après Angelo Gopee, à cause du «problème de langage évident». Mais des artistes comme Karol G, Bad Bunny, Ozuna, Sech, Daddy Yankee ou encore Romeo Santos participent de son expansion en France. ET qui sait, peut-être susciteront-ils des vocations ?