Après des années de batailles judiciaires, le propriétaire du club de foot de l’AS Monaco Dmitri Rybolovlev et le marchand d’art suisse Yves Bouvier viennent de clore un litige rocambolesque sur des accusations d’escroquerie. Mais à Monaco, le milliardaire russe risque toujours un procès pour corruption. C’est par un communiqué que le parquet de Genève a annoncé la semaine dernière avoir classé la procédure pénale à l’encontre d’Yves Bouvier. Le 20 novembre, les parties ont informé qu’«elles avaient conclu un accord», mettant fin à une saga retentissante.

Le milliardaire russe accusait Yves Bouvier de l’avoir escroqué à hauteur d’un milliard d’euros à l’occasion de la vente de tableaux de maître dont le Salvator Mundi attribué à Leonard de Vinci, revendu ensuite par le Russe pour la somme record de 450 millions de dollars. «Aujourd’hui marque la fin d’un cauchemar de neuf ans. Les instances judiciaires ont unanimement reconnu mon innocence», a réagi Yves Bouvier.

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«C’était la dernière procédure dans laquelle M. Rybolovlev était plaignant concernant les ventes de tableaux, que ce soit à Monaco ou en Suisse», a confirmé à l’AFP Thomas Giaccardi, l’un des avocats du Russe. Mais à Monaco, une instruction pour corruption mettant en cause Dmitri Rybolovlev est désormais terminée, a appris l’AFP de source judiciaire monégasque en fin de semaine dernière. «Il appartient désormais au procureur général de prendre ses réquisitions avant que le juge ne décide du renvoi, ou non, des inculpés devant le tribunal correctionnel de Monaco», a ajouté cette source

Ouverte en 2018, incidemment à l’enquête sur le différend avec le marchand d’art suisse, l’instruction monégasque visait neuf personnes. D’un côté, le corrupteur présumé, Dmitri Rybolovlev, et son avocate Tetiana Bersheda. De l’autre, une ribambelle de personnalités de cette principauté supposément corrompues par le milliardaire, dans un inventaire digne du Bottin mondain.

Ont ainsi été mis en cause Philippe Narmino, secrétaire d’Etat à la justice de Monaco peu avant son inculpation, sa femme et son fils, un ancien ministre de l’Intérieur, Paul Masseron, Christophe Haget, alors directeur de la police judiciaire du Rocher et son adjoint Frédéric Fusari, un ancien directeur de la sûreté publique, Régis Asso.

Selon l’accusation, Dmitri Rybolovlev, engagé dans son bras de fer judiciaire avec Yves Bouvier, aurait profité de ses bonnes relations avec les dirigeants de la police et de la justice de la principauté pour piéger celui-ci. Si les deux hommes ont désormais renoncé mutuellement à toute forme d’action judiciaire, cela n’éteint pas la procédure pour les faits supposés de corruption, même si la tenue d’un procès semble encore hypothétique. Il faudra pour cela qu’une ordonnance de renvoi soit prise par le juge d’instruction au terme des réquisitions du parquet. Cette décision pourra encore faire l’objet d’un appel, du parquet comme des parties. Et il restera encore à audiencer ce procès hors normes.

«J’ai bon espoir que nous obtenions une ordonnance de non-lieu, nous travaillons en ce sens», note Thomas Giaccardi, conseil de Dmitri Rybolovlev. Le juge peut aussi décider de renvoyer certains mis en cause et ordonner un non-lieu pour d’autres. Thomas Giaccardi espère par ailleurs que la Cour européenne des droits de l’Homme donnera suite à son recours concernant l’utilisation par la justice du portable de l’avocate de Dmitri Rybolovlev, qui avait semblé révéler une collusion avec les policiers monégasques.

«Depuis le départ du juge Levrault, il ne se passe plus rien. Je garde espoir que la procédure ne soit pas étouffée», déclare Frank Michel, l’avocat d’Yves Bouvier, précisant que l’accord entre son client et Dmitri Rybolovlev de se désister de toute constitution de partie civile ne concerne pas les autres mis en cause. Aujourd’hui vice-président au tribunal de Nice, le juge Édouard Levrault, par qui le scandale était arrivé alors qu’il était détaché comme juge en Principauté, avait été remercié prématurément, en 2019.

Édouard Levrault a récemment témoigné au procès d’Éric Dupond-Moretti, le garde des Sceaux, devant la Cour de justice de la République. Avocat, avant sa nomination au ministère, de Christophe Haget, l’un des policiers poursuivis, Éric Dupond-Moretti était entre autres poursuivi pour avoir ordonné une enquête sur ce juge une fois arrivé place Vendôme, une situation de conflit d’intérêts pour laquelle il a été déclaré non-coupable.