«Actionnaires, criminels !», huées et gaz lacrymogènes. L’assemblée générale de TotalEnergies s’est ouverte ce vendredi matin dans une ambiance tendue à l’extérieur de la salle Pleyel à Paris, où se tient l’événement. Plusieurs associations écologistes avaient en effet appelé à bloquer l’AG du géant pétrolier. Résultat, vendredi matin, dès l’aube, des dizaines de manifestants ont tenté de pénétrer dans le tronçon de rue passant devant la salle Pleyel, dans les beaux quartiers parisiens.

Une dizaine d’entre eux, assis devant l’entrée, ont été délogés par les forces de l’ordre, qui ont fini par projeter du gaz lacrymogène au milieu du groupe. L’accès au tronçon de rue de la salle Pleyel a finalement été barré par un imposant rideau policier et plusieurs camions des forces de l’ordre. Ce qui n’a pas empêché plusieurs centaines de manifestants – 500 selon les organisateurs – de se rassembler devant le barrage policier plusieurs heures durant. Ces militants brandissant des pancartes «Total détruit, les banques financent, on résiste» ou «Écoutez les scientifiques : plus un seul projet fossile», tout en scandant «Même si Total ne le veut pas, nous on est là» ou «Nous ce qu’on veut, c’est renverser Total».

L’atmosphère se tendait systématiquement lorsqu’un actionnaire de TotalEnergies tentait d’accéder dans le bâtiment pour assister à l’AG. Face aux manifestants qui les prenaient à partie et les huaient, certains actionnaires ont dû être escortés par les forces de l’ordre. À tel point que, prenant le micro, Steven Sasha Arfeuille, porte-parole du mouvement citoyen Alternatiba Paris, a été obligé de faire un rappel à l’ordre : «On n’est pas là pour harceler les actionnaires». Les forces de l’ordre ont également fait usage de gaz lacrymogènes lorsque quelques activistes se sont risqués à tenter de transpercer le barrage policier. Quatre personnes ont été interpellées à ce stade, selon la police.

«Il y a une dynamique mondiale. Les énergéticiens n’arrivent pas à tenir leurs AG», s’est félicitée Edina Ifticene, chargée de campagne énergies fossiles chez Greenpeace France, rappelant que cette réunion survient à la fin d’une saison d’AG houleuses, au cours de laquelle les actions se sont multipliées contre les grands groupes pétroliers, comme chez Shell et BP, sur fond de profits faramineux. «Même si les actionnaires de Total réussissent à entrer dans le bâtiment, on montre qu’on est là et qu’on ne lâchera pas, malgré la répression policière», ajoute-t-elle. «L’année prochaine, on sera encore là !», a également clamé au micro Steven Sasha Arfeuille, d’Alternatiba.

Pour Juliette Renaud, responsable de campagne aux Amis de la Terre France, «c’est déjà une première victoire que Total ait conseillé à ses actionnaires de ne pas venir». Dans une communication aux actionnaires, le groupe les avait en effet «vivement encouragés à privilégier le vote par voie électronique», «à la suite de l’appel sur les réseaux sociaux de certains activistes à bloquer l’Assemblée générale 2023». TotalEnergies voulait éviter le scénario chaotique de l’année dernière, quand des militants d’ONG avaient empêché des actionnaires de pénétrer dans l’AG.

Les manifestants ont en outre dénoncé la «complicité de l’État». «Ce matin, Agnès Pannier-Runacher reconnaît qu’on pose une bonne question à Total, et pourtant il y a ici un arsenal policier qui réprime les manifestants», a notamment pointé Juliette Renaud, des Amis de la Terre. Sur Franceinfo, la ministre de la Transition énergétique s’est montrée critique des manifestations «pas annoncées», qui «créent du désordre à l’ordre public», tout en distinguant, sur le fond, «la question que posent ces actions et qui est une très bonne question». «Les militants du climat sont dans leur rôle d’alerter et de dire qu’il faut accélérer. C’est ce que porte aussi le gouvernement: il faut que tous nous accélérions sur la transition écologique», a de son côté déclaré Elisabeth Borne en marge d’un déplacement en Côte d’Or.

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Parmi les manifestants rassemblés ce matin pour alerter sur les répercussions climatiques de l’activité de TotalEnergies, figuraient quelques élus de gauche, notamment l’eurodéputée LFI-Nupes Manon Aubry. Le scientifique belge François Gemenne, membre du GIEC, a également été aperçu dans la foule, discutant notamment longuement avec un actionnaire individuel de la major pétrolière, lui intimant de voter contre la stratégie climat du groupe, qui devrait être adoptée lors de l’AG. «Cette assemblée générale prévoit de perpétuer la stratégie du pétrolier : toujours plus de projets fossiles et une répartition injuste des superprofits qui alimente l’injustice climatique et sociale», avaient dénoncé fin avril dans une tribune les associations et collectifs 350.org, Alternatiba, Les Amis de la Terre, ANV-COP21, Attac, Greenpeace, Scientifiques en rébellion et XR.

À l’intérieur de la salle Pleyel, en ouverture de l’AG, qui a ouvert comme prévu à 10h, le PDG de TotalEnergies Patrick Pouyanné a longuement défendu la stratégie de son groupe, tout en disant regretter «les conditions dans lesquelles se déroule cette assemblée générale». «Notre compagnie a été la major qui a investi le plus pour construire le modèle énergétique de demain qui sera basé sur l’électricité», via les énergies renouvelables, a-t-il souligné. Sur le pétrole, le grand patron s’est aussi justifié : «La demande de pétrole au niveau mondial est en croissance et si ce n’est pas TotalEnergies qui répond à cette demande, d’autres le feront à notre place», a-t-il affirmé. Des arguments inaudibles pour les manifestants, dont certains appellent l’État à «contraindre Total à sortir des énergies fossiles».