Noël est en avance cette année à la Bourse de Paris. Son indice phare, le CAC 40 a franchi un nouveau sommet historique mardi matin en séance, atteignant 7582,47 points, avant de refluer légèrement dans l’après-midi, à 7543,55 points. Le record historique à la clôture reste celui du vendredi 21 avril dernier, à 7577 points. Depuis son dernier point bas touché fin octobre, le CAC 40 a rebondi de plus de 11 %. Et il s’apprécie de 16,53 % depuis le 1er janvier. Un contraste avec 2022 (- 8,5 %), année marquée par la guerre en Ukraine, la flambée de l’inflation, la crise de l’énergie et la hausse des taux d’intérêt.
«2023, est une année de rattrapage», souligne Samy Chaar, économiste en chef chez Lombard Odier. L’euphorie est perceptible sur toutes les grandes places mondiales. À Francfort, le Dax vole depuis quelques jours de record en record ( 20,5 % depuis janvier) et l’Eurostoxx 50, qui regroupe les 50 plus grosses capitalisations européennes, n’est plus qu’à quelques encablures de son sommet atteint début 2007. Même tendance à Wall Street, où l’indice S
Des deux côtés de l’Atlantique, le recul de l’inflation et les anticipations d’une baisse des taux d’intérêt par les banques centrales l’année prochaine dopent les cours. Comme attendu par les marchés, en novembre, les prix ont grimpé de 3,1 % sur un an aux États-Unis (après une hausse de 3,2 % en octobre et 3,4 % en septembre). Aux yeux des investisseurs, cela signifie que la Reserve fédérale américaine (Fed) laissera pour la troisième fois consécutive son taux directeur inchangé à l’issue de sa réunion mercredi. Pour rappel, elle l’avait relevé à onze reprises depuis mars 2022, portant ses taux d’intérêt à leur plus haut niveau depuis vingt-deux ans, dans une fourchette de 5,25 % à 5,50 %. Même scénario attendu en Europe, où la Banque centrale européenne (BCE) devrait opter pour le statu quo jeudi et ne pas relever ses taux, passés en dix-huit mois de 0 % à 4 %.
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L’inflation reflue, en effet, aussi sur le Vieux Continent où elle est tombée à 2,4 % en novembre (contre 2,9 % en octobre). «On a l’impression que le pic de la hausse des prix est passé, note Samy Chaar. Les perspectives économiques en France et en Europe où la croissance ne s’est pas effondrée, s’améliorent. À partir de l’an prochain, la BCE devrait pouvoir assouplir progressivement sa politique monétaire pour redonner du lest aux économies.»
Une baisse des taux devrait redonner de l’oxygène aux ménages et aux entreprises. Mais les attentes sont très élevées. «Les marchés parient pour l’an prochain sur un recul des taux d’intérêt de 120 points de base (1,2 %) en Europe et de 110 points de base (1,1 %) aux États-Unis, relève Charles de Boissezon, responsable stratégie actions à la Société générale CIB. Mais les anticipations concernant l’Europe nous paraissent excessives, car l’inflation ne baissera aussi facilement qu’anticipé, notamment du fait de hausses de salaire. Et celles-ci feront grimper les prix à la consommation, ou baisser les marges des entreprises, ce qui ne sera pas bon pour les attentes de profits qui ont tenu le marché à la hausse jusqu’à présent.»
Les perspectives d’un changement de politique monétaire par les banques centrales ont d’ores et déjà fait baisser les taux des obligations souveraines, qui avaient sensiblement grimpé en octobre. Après avoir tutoyé les 5 %, l’emprunt d’État américain à dix ans est retombé à 4,22 %. Même tendance en France pour l’OAT à dix ans, redescendue à 2,76 % mardi (contre 3,5 % en octobre). Ce qui redonne de l’appétit aux investisseurs pour les actifs risqués. D’autant que les entreprises résistent plutôt bien dans cet environnement troublé. «Dans l’ensemble, au troisième trimestre, les entreprises ont continué à dégager des résultats de bonne facture et sont parvenues à maintenir leur marge, souligne Charles de Boissezon. Cela n’avait pas été anticipé et alimente le rebond des marchés.»
2023 n’a pas été de tout repos sur les marchés, les retournements de tendance ayant été nombreux. Après un début d’année en fanfare, les marchés ont été pris de court en mars par le ralentissement de la croissance chinoise et surtout par la crise des banques moyennes américaines. Cela a fait chavirer les actions, en particulier les valeurs bancaires. Et envoyé au tapis Credit Suisse, qui a dû être racheté en urgence pour une bouchée de pain par UBS. Notant que la crise était circonscrite aux États-Unis et en Suisse, les Bourses sont ensuite reparties de l’avant. Le CAC a même battu, le 21 avril, son record historique à la clôture. Mais les nuages sont réapparus pendant l’été: les craintes de nouvelles hausses de taux par les banques centrales ont fait baisser le marché pendant trois mois consécutifs (entre août et octobre). Les premiers signes de baisse de l’inflation ont ensuite permis d’inverser la tendance.
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Malgré ce contexte chahuté, trente-trois fleurons de la cote parisienne sont dans le vert depuis le début de l’année. Mais les écarts de valorisations peuvent être très importants. «Le secteur de l’industrie a été moteur, porté par un phénomène de rattrapage puisqu’il n’avait pas bénéficié de la hausse des actions post-Covid», note Christopher Dembik, conseiller en stratégie d’investissement de Pictet AM. Stellantis ( 58 %) arrive ainsi en tête des meilleures performances de l’année, suivi sur le podium par Safran ( 43,24 %) et Hermès ( 39 %).
Plusieurs sociétés (Publicis, Schneider…) sont même proches de leurs plus hauts historiques. «Les entreprises qui accélèrent ou ayant une forte visibilité sur leur activité à venir sont celles qui ont le plus grimpé, souligne Frédérique Nakache, gérante actions France chez Ofi Invest AM. Leurs business models sont jugés plus sécurisés par le marché.» Le secteur du luxe, poids lourd de la cote parisienne, «s’est également bien tenu malgré des résultats semestriels considérés par le marché moins élevés qu’attendu», ajoute Christopher Dembik. A contrario, les déceptions et accidents de parcours ont été très fortement sanctionnés. «Les investisseurs s’interrogent sur leurs capacités à être au rendez-vous dans les années à venir», estime Frédérique Nakache.
Worldline, qui quittera le CAC 40 le 18 décembre est la lanterne rouge de l’indice, avec une chute de 57,19 % depuis janvier, suivi par Alstom (- 51,36 %) et Teleperformance (- 47,04 %). Les experts s’attendent à ce que la tendance haussière se poursuive jusqu’à la fin de l’année, sauf imprévus. Les prévisionnistes font preuve d’un optimisme modéré pour 2024. «Beaucoup de choses ont déjà été anticipées, souligne Samy Chaar. On devrait retrouver un environnement de marché plus normal, tiré par la croissance bénéficiaire des entreprises et plus seulement par la macroéconomie.»