Elle avait le verbe délié et la plume incisive. Claude Sarraute, journaliste au Monde durant plus de 35 ans, puis chroniqueuse à la réplique piquante aux Grosses Têtes, est morte le 20 juin à l’âge de 95 ans. Cette femme de culture, fille de la romancière Nathalie Sarraute, aura gratifié la rubrique spectacles du journal du soir de billets d’humeur vivaces qui ont longtemps fait la joie de ses lecteurs.
Son style tonitruant, qui faisait merveille à l’écrit, trouvera un nouveau souffle la radio à partir des années 1990. En acceptant de jouer les «mamies mi-flingueuses, mi-ingénues», aux Grosses Têtes de Philippe Bouvard sur RTL, puis auprès de Laurent Ruquier sur Europe 1 (On va s’gêner), France 2 (On a tout essayé) ou France Inter (Rien à cirer), Claude Sarraute deviendra une figure populaire de l’audiovisuel. Dans toutes ces reprises de volée, elle savait aussi bien pourfendre qu’esquiver. Bretteuse redoutable, elle s’amusait toujours, à son avantage, du faux (ou du vrai) machisme de ses confrères masculins et particulièrement du marin iconoclaste et bourru, Olivier de Kersauson.
Quelques fausses ingénuités de Claude Sarraute…
Légère, rieuse, anticonformiste, capable de traits d’esprit et aussi de coups de griffes, Claude Sarraute avait épousé le journaliste américain Stanley Karnow en 1948, puis Christophe Tzara, fils de Tristan, en 1956, et, enfin, le philosophe, essayiste et journaliste Jean-François Revel en 1967. «Mon côté enfant attardé et irresponsable devait le distraire. J’étais sa plus fidèle groupie. Il savait tout, je ne savais rien», disait-elle de son dernier mari, exagérant son inculture et sa naïveté.
Claude Sarraute est née le 24 juillet 1927 à Paris, fille aînée d’une des plus célébrées écrivaines du XXe siècle, Nathalie Sarraute (1900-1999), et de l’avocat Raymond Sarraute. L’environnement intellectuel et sérieux dans lequel elle a grandi ne l’a pas empêché d’avoir le goût du rire. «J’ai fait rire ma mère jusqu’à 99 ans. J’étais d’une gaieté indélébile. Avec une femme pareille, c’était ma seule chance de m’en sortir, non ? (…). Nous comparer, c’est comparer À la recherche du temps perdu et Pif le Chien. Pour elle, ce qui comptait, c’est que je travaillais dans un journal comme Le Monde», avait-elle confié un jour à Libération.
Licenciée d’anglais, elle fait un peu de théâtre avant de se lancer dans le journalisme, collaborant au Sunday Express. En 1952, elle commence à écrire au Monde. Elle y restera 35 ans, chroniqueuse à la rubrique Spectacles, puis Télévision, et enfin en signant un billet insolent en dernière page, intitulé Sur le vif (chroniques réunies dans le recueil Dites donc !).
Claude Sarraute rejoint, au début des années 1990, La bande à Ruquier. À l’inverse de beaucoup de femmes de son âge, elle ne cherchait pas à se rajeunir. «J’ai tout plein de rides mais ce n’est pas un problème» pour passer à la télé, assurait-elle en disant lutter «contre le jeunisme et le racisme anti-vieux». Elle ajoutait avec malice que «son âge, c’est son fonds de commerce».
Claude Sarraute a longtemps tenu une chronique à Psychologies magazine et a écrit plusieurs romans, qu’elle qualifiait de «clowneries», comme pour s’excuser de ne pas être au niveau de sa mère. Parmi ses livres, figurent Allô, Lolotte, c’est Coco, Ah ! l’amour, toujours l’amour, Sarraute, la nana de l’année, Papa qui ?, Dis, est-ce que tu m’aimes ?, Dis voir, Maminette…ou Belle belle belle. Ignorant le vouvoiement, elle écrivait en style parlé, prônant une futilité qui visait à dire l’essentiel.
Claude Sarraute, qui se voyait vivre aussi longtemps que sa mère tant admirée, disait en 2014: «Sur le plan physique, tout va bien… Les ennuis de santé, on a eu le temps de s’y habituer ! Et merci aussi les progrès de la médecine ! À mon âge, on est rafistolé pour tenir le plus longtemps possible». Mère de quatre enfants (dont une fille adoptée), elle a joué, à presque 80 ans, dans le film de Catherine Breillat, Une vieille maîtresse(2007). Elle est notamment la mère du journaliste sportif Martin Tzara et de Nicolas Revel, à la tête de l’AP-HP.
