Si Nicolas Pagnol, homme d’affaires intelligent, est aussi touché d’avoir été évincé du Château de la Buzine par Benoît Payan, maire de Marseille, c’est qu’il était «très fier de faire vivre ce lieu que mon grand-père a connu adolescent. Il n’a pas pu en faire ce qu’il voulait à cause des turbulences de l’Histoire mais moi, j’ai eu l’impression de réussir. Ce château ne m’appartient pas mais culturellement, j’y suis lié, explique-t-il. Quand Marcel montait en famille passer l’été à la Bastide Neuve, il a vu sa mère Augustine humiliée par le gardien qui refusait de les laisser passer. »
En 1941, devenu riche grâce au théâtre, Marcel Pagnol est le Luc Besson de l’époque. Auteur, réalisateur, producteur, distributeur, cet entrepreneur achète le château pour en faire une cité du cinéma, son Hollywood provençal. Joseph Goebbels lui demande de diriger le 7e art en France. Pagnol refuse de collaborer, détruit à la hache ses dernières bobines. Il quitte la Buzine réquisitionnée par les nazis. À la Libération, l’armée Française réquisitionne à son tour le château. Son bien lui sera restitué en ruines dans les années 1950. Il s’en plaint dans une lettre envoyée au général de Gaulle. Marcel Pagnol ne fera plus jamais de cinéma.
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Après deux premières années dans le rouge à cause, entre autres, d’une programmation trop pointue, l’actuelle directrice Valérie Fédèle est recrutée en 2011 pour ses compétences en gestion de lieux culturels. Nicolas Pagnol la rejoint en prenant la présidence, il y a six ans. Au conseil d’administration, ils s’entourent de personnalités respectées : Michel Cornille à la tête de l’Eden, le plus vieux cinéma du monde à La Ciotat, Éric Michel, directeur de la Cité de la musique de Marseille, Laurence Guglielmo, directrice du Salon du livre de Marseille, l’architecte André Stern, Dominique Bluzet, directeur de théâtres, Daniel Armogathe, président de la Cinémathèque…
La fréquence bondit de 11.000 à 75.000 visiteurs entre 2012 et 2022. Le nombre de collaborateurs passe de 6 à 24. La gestion est saine et les comptes sont à l’équilibre depuis dix ans. Outre tout un travail autour de Marcel Pagnol (avant-premières de films restaurés, exposition permanente, théâtre, passage des randonnées Pagnol par le château), le lieu avec son cinéma attire les habitués par sa programmation variée et en version originale, ce qui est rare dans la région.
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Dans les étages, les expositions estivales sur Steven Spielberg, Yves Montand, Jean-Paul Belmondo ou Johnny Hallyday attirent les médias nationaux, séduisent les touristes. C’est l’un des endroits où l’on amène les amis américains ou suédois pour leur faire découvrir Pagnol et le patrimoine provençal avant d’aller se recueillir sur sa tombe un peu plus haut dans les collines.