Pour Kering, c’est un pas « fondateur ». Ce lundi, le numéro deux mondial du luxe (Gucci, Saint Laurent, Balenciaga…) a annoncé la signature d’un accord pour le rachat à 100 % de la marque de parfums de luxe Creed, auprès du fonds BlackRock. Le groupe concrétise ainsi sa volonté de faire son grand retour dans les cosmétiques, quatre mois après l’avoir officialisée avec la nomination de Raffaella Cornaggia à la tête d’une division nouvellement dédiée à la beauté. Il en était sorti en 2008, après la vente d’Yves Saint Laurent Beauté à L’Oréal, pour se concentrer sur le sport et le lifestyle. L’opération, encore soumise au feu vert des autorités de la concurrence, et dont le montant est tu, devrait être finalisée d’ici décembre.
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« L’acquisition de Creed, qui est la première initiative stratégique de Kering Beauté, témoigne de notre ambition de construire pour le groupe une position solide dans le segment le plus exclusif de cette catégorie », a déclaré François-Henri Pinault, PDG de Kering, dans un communiqué. « Creed va nous donner très rapidement une taille critique dans le segment de la haute parfumerie, celui qui connaît la plus forte croissance », complète Jean-François Palus, directeur général délégué du groupe. Avec plus de 250 millions d’euros de chiffre d’affaires, la marque, née dans la couture, plonge ses racines en 1760 en Angleterre, puis en France au milieu du XIXe siècle. Connue pour avoir habillé les grandes familles royales d’Europe, elle s’est ensuite spécialisée dans la parfumerie. Jusqu’à devenir, avec 10 % du marché des parfums de luxe en 2021, le challenger de Jo Malone (Estée Lauder) sur le segment en vogue des parfums de niche. Il s’agit de jus très typés, appréciés des jeunes générations, et dont le prix du flacon dépasse aisément les 200 euros. Selon le cabinet Bain, les ventes de ces parfums ultra premium, estimées à 5 milliards d’euros, croîtront en moyenne de 15 % par an jusqu’à 2026. Soit trois fois plus vite que les parfums prestige et grand public.
Surtout, et contrairement aux parfums de masse, la sensibilité au prix des clients de ces fragrances est moins forte. Ce qui offre une capacité forte à augmenter les prix sur les étiquettes. « Creed affiche un taux de profitabilité exceptionnel », selon Raffaella Cornaggia. Selon nos informations, il dépasserait 20 % de marge brute d’exploitation (Ebitda). « La marque est très présente aux États-Unis et au Royaume-Uni, mais garde un potentiel incroyable, notamment en Chine, où elle est peu présente. Mais aussi dans les aéroports ou, d’ici deux ans, sur d’autres segments comme les soins du corps et la maison (bougies, parfums d’intérieur…) », poursuit la directrice générale de Kering Beauté. Sur son best-seller Aventus, ou ses gammes Silver Mountain Water et Wind Flowers, la marque britannique, historiquement très masculine, possède déjà des versions pour femmes. Une diversification que Kering compte accélérer. Le groupe prévoit enfin de gonfler le réseau de 36 boutiques à l’effigie de Creed. Et de développer sa présence au-delà des 1 400 points de vente sélectifs actuels (parfumeries, grands magasins…).
Avec cette opération, Kering veut se faire une place sur le marché concurrentiel du parfum haut de gamme où L’Oréal, Dolce