La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a donné raison jeudi au géant du commerce en ligne Amazon, dans un contentieux avec Bruxelles sur des rabais fiscaux controversés au Luxembourg pour un montant de 250 millions d’euros. La juridiction, qui statuait en dernière instance, a rejeté un pourvoi de la Commission européenne contre une décision du tribunal annoncée en mai 2021. Elle a confirmé que le groupe américain ne serait pas tenu de rembourser les avantages fiscaux accordés par le Grand-Duché, qui étaient considérés comme des aides d’Etat illégales par l’exécutif européen. «Nous nous félicitons de l’arrêt de la Cour, qui confirme qu’Amazon a respecté toutes les lois applicables et n’a bénéficié d’aucun traitement de faveur», a aussitôt réagi l’entreprise, dans un communiqué. L’ONG Oxfam a en revanche dénoncé «un cadeau de Noël en avance» fait au groupe américain. «L’UE doit proposer de véritables réformes fiscales», a estimé Chiara Putaturo, experte en fiscalité pour Oxfam. Elle a dénoncé «les paradis fiscaux» qui, à l’intérieur de l’Union européenne, «permettent aux entreprises d’échapper à leurs obligations».

En octobre 2017, après trois ans d’enquête, la Commission avait exigé d’Amazon qu’il rembourse au Luxembourg 250 millions d’euros d’«avantages fiscaux indus». Cette décision s’inscrivait dans une campagne contre les pratiques fiscales des géants de la Silicon Valley accusés de tenter d’échapper à l’impôt en Europe.

Bruxelles contestait la légalité d’un accord fiscal passé en 2003 et reconduit en 2011 entre le géant de l’e-commerce et le Grand-Duché, où est situé le siège européen d’Amazon. Cet accord avait permis à l’entreprise américaine d’échapper à l’impôt sur trois quarts des bénéfices réalisés sur le continent.

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Saisi d’un recours du Luxembourg et d’Amazon, le tribunal de l’UE avait jugé en mai 2021 que l’existence d’un «avantage» accordé par le Grand-Duché, assimilable à une aide d’Etat, n’avait pas été démontrée. Le tribunal avait donc annulé la décision de Bruxelles d’en exiger le remboursement. La Commission européenne avait ensuite formé un pourvoi, qui a donc été rejeté jeudi. «La Commission n’a pas établi que le tax ruling accordé à Amazon par le Luxembourg était une aide d’État incompatible avec le marché intérieur», a justifié la Cour de justice dans un communiqué.

Selon Amazon, ce dispositif fiscal utilisé à partir de 2006 n’est plus en vigueur, après avoir expiré en 2014. L’arrêt de la CJUE marque une nouvelle défaite cinglante pour Bruxelles. Début décembre, la Cour avait déjà donné raison à l’énergéticien français Engie dans un contentieux sur des rabais fiscaux au Luxembourg pour un montant de 120 millions d’euros. Dans un litige similaire à celui d’Amazon, elle avait annulé la décision de la Commission de considérer ces avantages accordés à Engie comme des aides d’Etat illégales.

L’an dernier, le constructeur automobile Fiat (groupe Stellantis) avait obtenu de la CJUE l’annulation d’une décision de Bruxelles qui lui réclamait de rembourser 30 millions d’euros d’avantages fiscaux au Luxembourg. La Commission a également perdu face à Apple et Starbucks, dans d’autres litiges fiscaux en Irlande et aux Pays-Bas. La victoire d’Apple en première instance a cependant été remise en cause récemment. Dans un avis non contraignant mais généralement suivi par les juges, l’avocat général de la CJUE a recommandé en novembre que soit rejugé ce litige qui oppose depuis sept ans le fabricant de l’iPhone à la Commission européenne au sujet de 13 milliards d’euros d’arriérés fiscaux en Irlande.